Paul Michel Mertès raconte l’histoire de« Dis doc, t’as ton doc »

Paul-Michel Mertès a été le compagnon de route de Max Doppia durant la création et la diffusion de la campagne « Dis doc t’as ton doc ? ». Il revient, avec la rédaction d’Avenir Hospitalier, sur les débuts de cette aventure nécessaire, qui à ce jour est une véritable réussite puisque la campagne a été reprise par la World Federation of Societies of anesthesiology, soit 135 pays membres et sa diffusion se fait au-delà des seuls anesthésistes.
 
Avenir Hospitalier : N’est-ce pas rompre un tabou que de proposer aux médecins de faire prendre en charge le suivi de leur propre santé de façon « banale et ordinaire », comme n’importe quel citoyen ? 
 
Paul-Michel Mertès : Effectivement, je crois que c’est rompre un tabou puisque le suivi des médecins est actuellement peu développé et assez irrégulier. L’auto­diagnostic et l’automédication sont très souvent la source de retards de diagnostic ou de prise en charge. Il s’agit plus de faire prendre conscience aux médecins qu’ils méritent pleinement de bénéficier du système qu’ils souhaitent pour leurs propres patients. Tous les médecins sont très attachés à ce que leurs patients aient un dépistage et un suivi régulier de leurs facteurs de risques et en fait ils échappent grandement à ce système. Donc nous devons changer cela. Quand vous dites « banale » ou « ordinaire », je crois que c’est plus compliqué que ça. Prendre en charge des soignants, nécessite un entraînement un peu particulier. C’est probablement plus difficile d’assurer la prise en charge de médecins. Il y a beaucoup d’initiatives de mise en place de centres de soins pour lesquels il y a une expérience de prise en charge de personnels médicaux, je crois que ça va se développer et cela doit être encouragé. 
Endormir un anesthésiste, ce n’est pas si évident que ça. Quand vous vous adressez à un personnel de santé, la prise en charge nécessite une approche particulière car il entend ce que vous dites d’une manière différente : conscience du pronostic, conscience des effets secondaires. Nous sommes face à des « sachants » donc ce n’est pas complètement banal. 
 
"Quand on s’adresse à un personnel de santé, la prise en charge nécessite une approche particulière car il entend ce que vous dites d’une manière différente du patient lambda."
 
Avenir Hospitalier : Quel chemin le CFAR, un Collège de médecins spécialistes , a-t-il suivi pour promouvoir une telle campagne, « Dis doc, t’as ton doc », qui s’adresse à tous les médecins, toutes pratiques, toutes spécialités, tous horizons ? Et se trouver légitime pour le faire ?
 
Paul-Michel Mertès : C’est un chemin qui a été assez long. Il y a d’abord une prise de conscience de la réalité à travers la prise en charge des risques psychosociaux. Le groupe SMART au CFAR est né suite à une vague de suicides en anesthésie. On a alors commencé à s’intéresser aux problèmes psychosociaux, et là, nous nous sommes retrouvés face à d'autres groupes très actifs dans un certain nombre de congrès, de réunions. Nous avons essayé de développer notre connaissance du problème en rencontrant des groupes internationaux qui ont les mêmes préoccupations (Allemagne, Angleterre, Canada...). Une première action a « débordé » de l’anesthésie-
réanimation lorsque les numéros verts qui s’adressent à tous les professionnels, y compris paramédicaux ont été mis en place. Au fil des discussions, il était évident qu’il fallait promouvoir la prise en charge médicale des anesthésistes-
réanimateurs mais se limiter à ce champ là n’avait pas de sens. C’est un problème collectif, nous avons ainsi choisi de pas limiter notre campagne et donc de l’élargir. 
 
" On ne peut pas empêcher l’automédication ou l’autodiagnostic mais il faut en connaître les limites ! "
 
Avenir Hospitalier : Non seulement cette campagne a reçu l’appui de très nombreux partenaires dans l’Hexagone, du Ministère de la Santé, des syndicats, des mutuelles, des medias, mais elle est aussi soutenue internationalement, dans toute l’Europe, et au-delà, jusqu’en Amérique du Nord. La prise en charge de leur propre santé par un autre médecin que soi-même ne serait donc pas un problème franco-français ?
 
Paul-Michel Mertès : Au congrès de l’EAPH, l’Association pour la Santé des Médecins Européenne, nous avons rencontré pas mal de monde, nous avons compris que l’anesthésie-réanimation n’était pas la seule spécialité à avoir des difficultés. Nous avons bien vu qu’il y avait des initiatives dans d’autres pays avec des degrés variables de développement. Nous avons constaté qu’en France peu de choses étaient structurées. Nous devions prendre part au développement de la prise de conscience et donc non, ce n’est pas un problème franco- français. Comme je le disais plus haut c’est un problème collectif que l’on retrouve au-delà des frontières françaises ou européennes. Sur le site de SMART on peut voir que beaucoup de pays ont des organisations très développées au Canada, en Angleterre dans les pays Scandinaves. Leur structuration de la problématique est plus avancée. Nous sommes donc rentrés en contact avec eux et ils nous ont confirmé que la campagne « Dis doc t’as ton doc ? » était très bien faite, en deux mots : simple et généraliste. Pour eux, elle permettait de sortir des « petits circuits » entre professionnels pour se rapprocher d’un modèle général, ils avaient déjà, pour leurs préoccupations, des prises en charge particulières pour les médecins mais ils ont souscrit à cette campagne saluée pour sa simplicité. Elle doit être relayée afin que les choses puissent enfin se structure petit à petit. 
 
Avenir Hospitalier : À quel terme voyez-vous intervenir ce changement culturel d’un médecin traitant pour chaque médecin, afin que les pratiques très répandues d’autodiagnostic et d’automédication soient en voie de disparition ?
 
Paul-Michel Mertès : On ne peut pas empêcher l’automédication ou l’autodiagnostic. En revanche, il faut en connaître les limites, on n’affronte pas seul un sevrage tabagique par exemple ! 
Lorsque l’on s’écarte des circuits habituels de prise en charge, on ne tire pas le bénéfice de ces circuits. Nous conseillons à nos patients de se faire suivre pour le cholestérol, pour la tension ou de se faire aider pour le sevrage tabagique, alors il semble logique que nous fassions la même chose. Il est vrai cependant que, quand vous prenez conscience d’une pathologie vous allez trouver un spécialiste plus facilement qu’autrui mais souvent avec un peu de retard. Nous ne pouvons pas être le meilleur juge quant à notre santé en termes de médecine préventive, donc un changement culturel est à opérer évidemment ! 
 
Saveria Sargentini, journaliste
 

Et ailleurs ?

Le Programme d’Aide aux Médecins du Québec (PAMQ) : le pionnier. 
 
Cet organisme autonome, à but non lucratif a été créé en 1991. Il avait initialement vocation à aider les praticiens victimes de comportements addictifs. Très rapidement, les responsables du PAMQ ont observé une stabilisation des demandes pour ce motif et une explosion des consultations pour atteinte à la santé mentale. 
Le programme s’adresse : 
- à tous les médecins, généralistes ou spécialistes, internes et étudiants (es); 
- à tous les collègues, organismes et établissements qui veulent venir en aide à un médecin éprouvant des difficultés personnelles.
Sa principale mission est de venir en aide au demandeur, dans le plus grand respect de la confidentialité et gratuitement. Une équipe de huit médecins conseils assure une permanence téléphonique et répond aux appels de détresse de leurs confrères en respectant leur anonymat. Selon la nature du problème, les appelants sont dirigés vers des médecins, psychiatres, thérapeutes mais également des comptables ou des juristes. Les familles des médecins peuvent aussi appeler sur sa ligne dédiée.
 
Le Programme d’Attention Intégrale au Médecin Malade (PAIMM) : la référence
 
Créé en 1998 par le Collège des Médecins et le Ministère de la Santé du Gouvernement de Catalogne, le Programme d’Attention Intégrale au Médecin Malade est aujourd’hui devenu une référence en Europe. Il est géré par la Fondation Galatea du Collège des Médecins de Catalogne. Les prises en charge sont essentiellement orientées vers les troubles psychologiques sévères et les conduites addictives. Le Code de Déontologie catalan prévoit que tout médecin qui constate une défaillance liée à l’état de santé d’un confrère susceptible de porter un risque pour la sécurité des patients doit se rapprocher du médecin malade pour lui recommander de consulter ou de contacter le programme. La prise en charge est anonyme et totalement gratuite. A Barcelone, avec le soutien de plusieurs partenaires, le PAIMM dispose, grâce à la Fondation Galatea, d’une unité de soins réservée aux personnels de santé. Des prises en charge y sont proposées, soit en ambulatoire, soit en hôpital de jour ou en hospitalisation classique. Un tuteur peut être désigné, soit un collègue, soit un supérieur hiérarchique, toujours avec l’accord du médecin traité. Le PAIMM est respectivement financé à 80 % par le gouvernement de Catalogne et à 20 % par les quatre ordres professionnels catalans. 
 
Re-Med : réseau de soutien pour médecins le connecté
 
Après une phase pilote, le projet Re-Med a vu le jour en 2007. Il répond aux attentes des médecins de tout le pays qui peuvent à présent consulter le site internet www.swiss-remed.ch et s’adresser à un service d’assistance téléphonique en français, allemand et italien. Re-Med propose un accompagnement pour surmonter la crise (manque de motivation, stress, surmenage, syndrome d’épuisement (burn out), dépression, dépendance, traumatismes secondaires, idées suicidaires) et analyser les événements qui se sont produits lors d’un accident médical. Lors de la demande de contact, un membre de la direction médicale du projet réagit dans les 72 heures et examine la situation et les démarches possibles avec le médecin concerné. Ensuite, Re-Med réfère le médecin concerné à un spécialiste choisi parmi l’offre de la région en question. En cas d’urgence ou de crise aiguë, le médecin concerné contacte le service local des urgences. 
 

Avec le soutien du Groupe Pasteur Mutualité

 

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Campagne nationale
" Dis Doc', t'as ton doc' ? "  pour faire évoluer le modèle culturel des médecins !

 

Retrouvez toute l'information dans le communiqué de presse (cliquez ici)

www.cfar.org/didoc/ 

 

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Actu'APH n°16

       

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     Les annonces de recrutement octobre 2023

 

             retrouver ces annonces sur le site reseauprosante.fr

 

Les dernières actus

75 % DES MEDECINS HOSPITALIERS RISQUENT DE QUITTER L’HOPITAL PUBLIC DANS LES 5 ANS… … PARCE QUE PERSONNE NE PREND SOIN DES MEDECINS HOSPITALIERS.

MISSION-FLASH : UN NOUVEAU RATAGE GOUVERNEMENTAL (PREVISIBLE) !

Ce vendredi 1er juillet, Action Praticiens Hôpital dévoilait à la presse les résultats complets de l’enquête « Nuits Blanches » sur la permanence médicale des soins à l’hôpital public : 75 % des praticiens hospitaliers risquent de quitter l’hôpital public dans les 5 ans à cause de la permanence des soins. En parallèle, le rapport de la mission-flash sur les urgences était remis à la Première Ministre. Un rapport sans doute amoindri à la demande de la Première Ministre, puisque seules 41 des multiples propositions [CP1] [WA2] envisagées par la mission ont pu figurer dans le rapport.

le dossier de presse

Lettre aux élus De La République

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Paris, le 22 juin 2022

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président, Madame la rapporteure de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,


Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, organisation majoritaire aux dernières élections professionnelles pour le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux vous remercie pour l’écoute attentive lors de notre audition au Sénat du 9 décembre 2021. Nous vous remercions pour le rapport que vous avez publié le 29 mars 2022 et nous nous permettons de vous rappeler notre proposition de réfléchir ensemble sur les modalités législatives à mettre en œuvre pour faire évoluer la situation de l’Hôpital Public et de l’accès à un juste soin qui se dégradent sur l’ensemble du territoire national.

Nous représentons les médecins, pharmaciens, odontologistes des hôpitaux et faisons partie des corps intermédiaires élus. Nous sommes issus du terrain et des terroirs de notre Nation. Nous appartenons à l’Hôpital Public pour lequel nous œuvrons jour et nuit pour permettre un accès aux soins à tous nos concitoyens, vos électrices et vos électeurs, pour qu’en France vivre en bonne santé soit et reste une réalité.

Dans cette lettre nous vous résumons une partie de notre analyse sur les points de blocage et les leviers que la Loi devra changer pour que demain le pilier Santé retrouve sa juste place dans notre société. Pour que l’ensemble des praticiens et soignants des établissements de santé, du médico-social comme de la ville puissent retrouver la sérénité d’exercice dont ils ont besoin pour répondre aux attentes des patients et de leur famille.

Nous avons subi depuis des décennies le dogme de la rationalisation fiduciaire et notre système est à bout de souffle, au bord d’une rupture irrémédiable. La France qui dans les années 2000 était à la pointe de la médecine dans le monde se retrouve aujourd’hui au 23ème rang.

Notre rôle de corps intermédiaire a été trop souvent ignoré et parfois maltraité par une gangue administrative qui a parfois perdu le sens des valeurs de notre société. Nous connaissons bien les territoires et ce que nous avons à faire pour le bien commun. Nous vous l’avons démontré depuis longtemps et encore plus lors de la première vague Covid. Nous avons alerté également maintes fois pour que les choses évoluent…

Il semble temps aujourd’hui de changer de méthode et de retrouver des objectifs quantitatifs acceptables mais surtout qualitatifs en termes de juste soin pour les patients et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour nous vos soignants. Ces conditions sont indispensables pour que nos concitoyens puissent retrouver une espérance de vie en bonne santé superposable à celle des autres pays et que les acteurs du soin que nous sommes puissent également retrouver le sens de leurs métiers.

Nous ne sommes pas abstentionnistes ou spectateurs passifs mais des acteurs engagés pour construire le renouveau tant attendu par les Françaises et les Français et clairement exprimé ces dernières semaines. Nous sommes et serons là pour vous aider à reconstruire et à moderniser l’existant pour que le vivre ensemble en bonne santé ne soit plus un mirage mais redevienne une réalité pour toutes et tous en tout point du territoire.

APH est à votre disposition pour travailler dans cette direction dans un respect mutuel et autour des valeurs de notre République.

Prenez soin de vous, des vôtres et de la santé de vos administrés comme celle de l’Hôpital Public et de notre système de soin.

 

APH REAGIT A LA « NOTE AU GOUVERNEMENT » DE MARTIN HIRSCH

 

Tribune APH du 9 mai 2022

 

Martin Hirsch, directeur général de l’APHP, s’est autorisé à envoyer une « note au gouvernement » [1] qui ressemble à un acte de candidature au poste de ministre chargé de la Santé. Dans cette note, adressée en copie à la presse, il étale ses réflexions et ses propositions pour l’hôpital public… Nous nous limiterons ici à commenter ses propositions, exposées comme une profession de foi.

Faire le constat du naufrage de l’hôpital public, annoncé par les syndicats depuis longtemps, fait désormais l’unanimité. Les discours des politiques et des administratifs assurant que l’hôpital tient toujours debout, qu’il a tenu pendant la pandémie, que la résilience des hospitaliers est inaltérable ne sont que façade. La réalité de notre quotidien est tout autre : la souffrance des hospitaliers explose, déprogrammations et fermetures de services résultent du manque de professionnels paramédicaux et médicaux, qui fuient en nombre le service public hospitalier. Nombre de celles et ceux qui restent encore sur le front sont rongés par un épuisement professionnel et personnel.

Cependant, les angles de vue proposés par Martin Hirsch sont inquiétants, en profond décalage avec les métiers du soin et la notion de service public.

  • Considérer que le soin se résume à une productivité mesurable est d’une cruelle indécence pour tous ceux dont on salue la vocation, l’humanisme et tout simplement le professionnalisme. Dans quelque secteur du soin que ce soit, le geste technique – qui rapporte à l’hôpital – n’est rien sans la relation du soignant avec le patient, sans le travail d’équipe, sans la réflexion sur son propre travail. C’est pourtant bien cette perte de sens qui fait fuir ou qui épuise les professionnels de santé.
  • Considérer que le professionnel de santé est un pion qui joue individuellement et que l’on peut balader d’un service à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une région à l’autre est encore une fois oublier le sens du soin à l’hôpital. Une équipe se construit, a une histoire, un projet, elle se renouvelle, mais doit savoir garder ceux qui s’investissent pour elle et doit donner la possibilité à chacun de s’investir, pour se sentir partie prenante de l’œuvre commune de soigner, d’accompagner et du vivre ensemble.
  • Considérer l’hôpital sans la ville oublie que le système de santé doit être centré autour du patient, et de son médecin traitant, et non du CHU parisien. Le champ du médico-social semblerait aussi avoir été omis… Le passage à l’hôpital d’un patient ne devrait se faire que lorsque les moyens de la ville et du premier recours sont dépassés : compétences spécialisées, plateaux techniques et maternités.
  • Défier les corps intermédiaires élus et donc légitimes, c’est-à-dire les syndicats – ce terme n’est même pas mentionné dans sa note – comme ne défendant pas les intérêts des praticiens est particulièrement déplacé. L’exemple de la discussion lors du Ségur sur la permanence des soins… à laquelle il n’a pas participé, contrairement à nous ! – en dit long sur sa vision du dialogue social…

Ainsi, ses propositions sont-elles également en décalage avec les métiers du soin hospitalier.

  • L’attractivité (jamais nommée dans la « note ») ne peut se résumer au problème des rémunérations. Il est si facile d’occulter les réelles difficultés : permanence des soins, temps de travail, reconnaissance de la pénibilité, équilibre vie professionnelle et personnelle, adaptation des contraintes à la parentalité… Le Ségur a été insuffisant, quand il n’a pas été insultant pour les praticiens hospitaliers. Le chantier de l’attractivité est à ouvrir réellement, courageusement : c’est une des priorités à mettre en œuvre immédiatement.
  • La mobilité versus la carrière à vie ? Destructrice de l’équipe et de tout projet professionnel, la perpétuelle mobilité contribuerait à envoyer les praticiens vers des carrières « à vie » dans les établissements qui le proposent : les établissements privés. Si nous sommes d’accord sur le fait que la concentration des prérogatives « clinique, enseignement, recherche et management » sur les seuls hospitalo-universitaires n’a pas de sens, il n’y a en revanche aucune honte à être praticien hospitalier toute sa vie, ou pendant un temps long, dans un même établissement. Il n’y a aucune honte à y travailler sans aspiration hospitalo-universitaire. Le travail hospitalier des praticiens implique la constitution de projets à long terme, d’investissements financiers, mais aussi de création de réseaux avec la ville, le médico-social et de suivi des patients porteurs de pathologies chroniques complexes. Monsieur Hirsch sait-il seulement ce qu’est le travail d’un praticien hospitalier, d’un soignant ?
  • La casse du statut ? Oui, les professionnels de santé gagneraient à être reconnus ou assimilés à des fonctionnaires « régaliens », plutôt que de poursuivre leur engagement dans l’hôpital public tout en voyant des collègues faire de l’intérim pour des rémunérations qui vont jusqu’à dix fois la leur, pour produire de l’acte sans contribuer aux piliers essentiels de l’hôpital que sont l’équipe, les liens entre services et la vie institutionnelle. Tous ces nouveaux contrats dont rêve Monsieur Hirsch ne font pas avancer l’hôpital : ils continuent à le détruire davantage. Les professionnels de santé engagés dans l’hôpital public demandent seulement à être rémunérés en fonction du travail qu’ils réalisent, où pénibilité et responsabilité doivent être prises en compte.
  • La gouvernance souffre en tout premier lieu de démocratie, notamment dans la désignation des chefs de service et de pôle. Aucun projet de réforme de gouvernance ne peut voir le jour sans ce prérequis. L’évocation des instances médicales et paramédicales des instances de gouvernance n’appelle pas la comparaison suggérée par Martin Hirsch : ni leur composition ni leurs missions ne sont comparables, ce d’autant qu’aucune représentation syndicale médicale locale n’est actée dans les établissements publics de santé. Cette absence d’implication des syndicats de praticiens hospitaliers à l’échelon du territoire de santé est une anomalie qui interroge…

Action Praticien Hôpital ne cesse d’appeler à réformer le système de santé et continuera à porter les principes de la qualité de vie des praticiens hospitaliers ; c’est l’intérêt de l’hôpital public : ceux qui y travaillent, ceux qui y sont soignés. Pour nous, le statut de praticiens est un gage de sûreté pour ce corps mais également d’équité sur l’ensemble du territoire national. Contrairement aux propos de Monsieur Hirsch, le cadre qu’il définit comme « rigide » de l’hôpital public ne l’empêche pas d’évoluer. Au contraire, il sécurise une réforme nécessaire, tout en gardant les prérogatives du service public comme les valeurs de la République pour défendre notre système solidaire de santé.

Nous défendrons des actions pour promouvoir un renouveau du système hospitalier et de celui de la santé en conservant les fondamentaux comme ceux des statuts, des engagements par conviction au service des patients et dans un esprit d’équipe et avec une rémunération revalorisée mais sans lien avec de l’intéressement et de la spéculation.

Cette réforme sera coûteuse mais elle est nécessaire, et elle sera efficace.

Ayons le courage de définir la place de l’hôpital public dans le système de santé : il n’est en concurrence ni avec la médecine de ville, ni avec l’activité des cliniques lucratives dont les missions et les objectifs sont différents.

Ayons le courage de mettre sur la table le problème du temps de travail des praticiens hospitaliers, chantier éludé du Ségur, et mettons en regard les rémunérations avec le volume horaire de travail réalisé par les praticiens.

Ayons le courage de corriger l’erreur du Ségur qui a valorisé l’engagement des jeunes sans considérer celui de ceux qui tiennent l’hôpital public depuis des dizaines d’années : donnons à tous la bonification d’ancienneté de 4 ans.

Ayons le courage de mettre sur la table le chantier de la permanence des soins : pas timidement et de manière insultante comme au Ségur, mais par une revalorisation massive à hauteur de la permanence des soins effectuée par les libéraux (le rapport de l’IGAS sur le sujet n’est toujours pas public…), et par une prise en compte des effets collatéraux du travail de nuit : pénibilité, déséquilibre vie professionnelle – vie personnelle, morbidité induite et réduction de l’espérance de vie.

Ayons le courage d’officialiser les mesures d’attractivité plutôt que de laisser perdurer les petits arrangements opaques, à la limite de la légalité, dont le principe et de nombreux exemples sont pourtant connus des tutelles.

Ayons le courage de réformer la gouvernance en imposant une réelle démocratie sanitaire, dans la désignation des chefs de service et de pôle autour d’un projet médico-soignant. Donnons la possibilité de faire exister les syndicats médicaux dans les établissements au même titre que les syndicats paramédicaux. Les syndicats et leurs représentants ont un rôle à joueur pour faire vivre le dialogue social dans les établissements de soins mais également sur les territoires de santé.

Ayons le courage d’un dialogue social équilibré. Les erreurs de trajectoire pour l’hôpital public, et notamment les plus récentes, sont le fruit de négociations tripartites où directeurs et DGOS ont une connivence à peine voilée, tandis que la parole – et même le vote – des praticiens concernant les évolutions est quasiment ignorée. Écouter le terrain sans le suivre nous a conduit dans le mur. Appliquer les propositions des représentants légitimes que sont les syndicats est la seule planche de salut pour l’hôpital public : Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, et ses composantes, représentant l’ensemble des spécialités médicales, odontologiques et pharmaceutiques, majoritaires chez les praticiens hospitaliers et les contractuels aux dernières élections professionnelles, sera présent et force de propositions.

Jean-François Cibien- Président AH, Président APH, 06 07 19 79 83

Carole Poupon - Présidente CPH, Vice-présidente APH ; 06 76 36 56 67

Yves Rébufat - Président exécutif AH , 06 86 87 62 76

[1] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/hopital-le-temps-de-la-refondation-1404467

 

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