Temps continu : et si tout le monde s’y mettait ? - B. Debaene

Le point de vue du Pr Betrand Debaene, président de la CME, chef du service d’anesthésie réanimation au CHU de Poitiers.
 
Au CHU de Poitiers les urgences et l’anesthésie réanimation (blocs et réanimation compris) sont organisés en temps continu depuis 13 ans. Bertrand Debaene relate dans son interview son expérience en insistant sur la transparence apportée par le travail en temps continu.
 
Avenir Hospitalier : Quelles est l’organisation au sein de votre établissement ?

Bertrand Debaene : Nous sommes organisés en temps continu aux urgences, en anesthésie-réanimation (blocs et réanimation compris) depuis la réforme Aubry en 2003. Cela fait donc 13 ans que nous en avons l’expérience. 
 
Avenir Hospitalier : Quels sont les points positifs du temps continu ?

Bertrand Debaene : Le temps travaillé se mesure maintenant sur une unité de mesure que tout le monde comprend, ce qui est loin d’être le cas avec les demi-journées. Cela permet d’avoir un calcul précis du temps de travail, de déclencher facilement le temps de travail additionnel au-delà de 48 heures. Les équipes gèrent cela de manière efficiente depuis longtemps et s’arrangent pour contrôler le système et pour éviter au maximum les débordements au-delà de 48 heures. Dans certains services, des praticiens acceptent de travailler au-delà de 48 heures et, dans ce cas, ils signent un contrat d’engagement qui leur donne la certitude d’être rémunérés et de dégager des jour off dans la semaine.
La mise en place des tableaux de service électroniques a grandement  facilité l’adaptation des plages. Concernant les blocs, en fonction de l’effectif mis en place, certains postes sont en 11 heures, d’autres en 9 heures et ce sont les médecins qui inscrivent dans le tableau électronique ce qu’ils vont faire. Lorsque une modification est nécessaire et qu’il faut, par exemple, créer une plage de consultation supplémentaire, après validation par le chef de service, les affaires médicales modifient le tableau de service électronique en créant cette plage supplémentaire.
 
Du fait de cette expérience, je suis aujourd’hui sollicité par plusieurs des me confrères d’autres CHU. Ils sont aujourd’hui confrontés à la concurrence d’hôpitaux généraux qui sont en temps continu, et qui, de ce fait, recrutent plus facilement des praticiens hospitaliers, notamment les jeunes qui ont bien compris l’intérêt du temps continu par rapport aux temps traditionnel.
 
Le temps continu permet une transparence totale de ce qui est fait dans un service et permet un calcul simple du nombre de postes nécessaire.
 
Avenir Hospitalier : Quels sont les points négatifs du temps continu ?
 
Bertrand Debaene : C’est surtout l’administration qui voit des inconvénients au temps continu. Plusieurs directeurs y sont réfractaires car ils craignent la nécessité de création de surplus de postes médicaux à créer. Pourtant, le suivi individuel est extrêmement facilité. Les calculs sur les 48 heures lissés sur 4 mois sont faciles à faire. Il y a une transparence totale.
Lorsqu’il y a d’autres activités que le travail posté, comme c’est le cas en anesthésie-réanimation, il peut alors être nécessaire de forfaitiser ces activités non posées, c’est ce qui a été réalisé chez nous.
 
Avenir Hospitalier : Avez-vous rencontré des difficultés lors de la mise en place du temps continu ?
 
Bertrand Debaene : À l’époque, j’ai travaillé en étroite collaboration avec les affaires médicales et la déléguée du SNPHAR. Nous avons eu des réunions de service, avec un travail préparatoire, heure par heure, pour déterminer les effectifs. Nous avons présenté ce travail à la collectivité des anesthésistes-réanimateurs pour validation, puis aux affaires médicales, qui avaient bien compris l’intérêt du temps continu aussi bien en termes de transparence que de calcul des effectifs. On avait ainsi obtenu de la direction générale la création de trois postes supplémentaires.
 
Avenir Hospitalier : D’après vos propos, on peut se demander pourquoi tous les blocs et services d’anesthésie ne sont pas en temps continu ?
 
Bertrand Debaene : Beaucoup ne se sont pas intéressés aux opportunités offertes par la Loi Aubry. Ce que je peux dire c’est qu’à l’heure actuelle, la concurrence des CHG, organisés pour les plupart en temps continu, fait prendre conscience de la nécessité d’une nouvelle organisation. 
Notre Ministre actuelle, Mme Touraine, quant à elle, ne prend toujours pas en compte le système du temps continu et persiste dans le système de demi-journées.
 
Avenir Hospitalier : Avez-vous le sentiment que le décompte du travail en heures soit un des éléments attractifs pour que les jeunes restent à l’hôpital ?
 
Bertrand Debaene : Oui effectivement, pour eux le temps de travail est reconnu et est rémunéré à sa juste valeur. D’autre part, nos jeunes PH sont rémunérés au 4ème échelon + 10 %.l
 
Propos recueillis par Christiane Mura

Pourquoi doit-on continuer à se battre pour préserver le statut de PH et le faire évoluer ?

Elle est heureusement loin, l’époque où nous n’étions rien que promis à rester des sans-droits, corvéables, sans FMC ni droits sociaux élémentaires, éjectables du jour au lendemain, sur la simple exigence d’un chef auquel on avait eu la mauvaise idée de déplaire.
 
Construit en 1984 et, depuis, sans cesse enrichi par de difficiles et vrais combats syndicaux, le Statut de Praticien Hospitalier n’est ni plus ni moins que la marque de la reconnaissance républicaine d’un engagement consenti pour une mission assurément revendiquée : servir le public. Il n’est pas un carcan qu’il faudrait desserrer ou dynamiter. C’est plutôt grâce au statut et aux garanties qu’il leur a progressivement apportées pour construire leur carrière que des générations de PH ont pu améliorer la qualité des soins hospitaliers en se consacrant exclusivement à leur mission(*). Il faut donc se méfier des analyses à l’emporte pièce qui prennent prétexte de difficultés conjoncturelles pour jeter le bébé avec l’eau du bain. Il est notoire que derrière ce dénigrement qui promet des lendemains qui chantent, se profile une conception libérale des rapports au travail. Qu’il faille créer de nouvelles passerelles entre les deux formes d’un exercice hospitalier et libéral est une chose, qu’il faille développer l’esprit d’initiative aussi.
L’hôpital public doit rester un formidable espace de valeurs et de liberté pour le praticien statutaire : celle de servir au mieux le bel outil social qu’il représente.

C’est aussi ça, le Statut de PH.
 
Max-André Doppia - Président d'Avenir Hospitalier
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(*) « Statuts ou contrats ? Les oripeaux de la modernisation des relations de travail dans la fonction publique. » Nicole Maggi-Germain. Hôpital en réanimation. B. Mas et al. Ed. du croquant. chap. 6. p. 112-116

 

Grandeur et servitude de l’autonomie professionnelle

Toutes les professions disposent d’un degré variable d’autonomie, enfin, presque toutes… Le degré d’autonomie dépend de la qualification, du type de métier, du contexte de son exercice, de la position hiérarchique, et de celle que chacun s’attribue.
 
« Il n’y pas que des raisons de penser a priori que l’autonomie professionnelle est un bien en soi. Mais les réformes managériales du Nouveau Management Public (NMP) semblent d’ores et déjà être suivies d’effets significatifs sur l’autonomie dans le travail professionnel ».
 
Les limites légitimes, ou du moins explicables, appliquées à l’autonomie professionnelle peuvent être son mauvais usage par manque de rigueur ou intérêt personnel, la recherche de la qualité et de la sécurité des soins, une relation médecins/malades éclairée, la maîtrise des coûts de la santé, la crainte de la judiciarisation.
En revanche, sont pour le moins ressenties comme illégitimes, les limites à l’autonomie comme le souci de productivité, la recherche du profit, l’exigence de rapidité, une bureaucratie omniprésente, l’autoritarisme de la hiérarchie, voire l’abus de gouvernance, et même le conflit d’intérêt.
 
Il existe une spécificité des professions à activité prudentielle comme la médecine. « Ces professions, dont la médecine est emblématique, traitent de problèmes à la fois singuliers et complexes, dans des situations de forte incertitude. C’est cette adaptation à la singularité des cas que l’on appelle la prudence. Les médecins, ne peuvent toujours espérer produire un résultat idéal : par exemple soigner un malade au moindre coût, sans que le traitement ne gêne sa vie quotidienne ni n’engendre d’effets indésirables. La délibération sur les fins de l’action est aussi une composante essentielle de ces activités, les professionnels devant être capables de hiérarchiser les objectifs de leurs actions avec discernement. »
 
On peut trouver des exemples de situation expliquant la variabilité des pratiques : patient refusant LE bon traitement, insuffisance de moyens matériels ou humains à un moment donné, fruits de l’expérience contredisant les RPP (Recommandations de bonne Pratique Professionnelle), contexte social, contexte psychique, poly-pathologies, antécédents, etc.
 
« Dire que la pratique est prudentielle, c’est dire qu’elle ne peut pas être totalement normalisée, puisqu’elle doit toujours s’adapter à la singularité des cas. Elle suppose une écoute, une attention, qui explique que l’exercice du jugement médical ne puisse s’apprendre que sur le tas ». 
 
L’autonomie en médecine n’est pas une valeur en soi, mais doit faire l’objet d’une réflexion approfondie et bilatérale pour en définir les limites légitimes afin de préserver l’espace de liberté indispensable à la pratique médicale dans le service public.
 
Richard Torrielli
Les citations entre guillemets sont de Florent Champy in « L’Hôpital en Réanimation », Editions du Croquant, 2011
 

 

Vision d’un jeune PH sur l’hôpital

Un entretien avec Julien Lenglet, jeune PH, président de l'ISNCCA
 
Nous avons rencontré Julien Lenglet, tout nouvellement nommé praticien hospitalier  afin qu’il nous donne sa vision de l’hôpital public, en particulier son ressenti en termes de reconnaissance, de statut.
 
AH : Lorsqu’on arrive enfin au bout des 13 ou 14 années de médecine (6 ans d’étude, 5 ans d’internat et 2/3 ans de clinicat) et qu’on exerce à l’hôpital , y trouve-t-on la reconnaissance recherchée ?
 
Julien Lenglet : Non je crois que la reconnaissance recherchée et nécessaire n’est pas au rendez-vous.
En termes de ressources humaines et de traitement, on nous demande assez régulièrement d’exercer sur des statuts précaires d’entrée de jeu ce qui paraît complètement surprenant dans la mesure où 30 % de postes de PH titulaires sont vacants à l’hôpital. Cela est d’autant plus surprenant que ces postes, qui sont des postes de PHC, voire même de praticien attaché, induisent une perte de revenu très importante pour les spécialités à garde (en particulier l’anesthésie-réanimation, la chirurgie). Cette baisse atteint quasiment 2000 euros net tous les mois pour des embauches sur des statuts non titulaires.
Il existe donc un côté réellement désincitatif à l’accès à une carrière dans l’hôpital public puisque que face à lui, la médecine libérale  offre une augmentation de revenus significative.
Je pense que les jeunes médecins qui terminent leur clinicat sont prêts, pour un certain nombre d’entre eux, à rester au sein de l’hôpital public en gardant la même qualité de vie (la même que celle qu’ils avaient pendant le clinicat). En revanche, si celle-ci diminue (plusieurs milliers d’euros tous les mois), cela induit une fuite importante  de nos collègues vers des structures libérale, ce qui est à l’origine de tous les problèmes de ressources humaines que l’on connaît.
 
AH : Le 26 septembre dernier, un mouvement pour l’attractivité a mobilisé de nombreux praticiens hospitaliers. Les chefs de clinique se sont tenus à l'écart : comment l'expliquez vous ? Les chefs de clinique ne souhaitent-ils pas être eux aussi maîtres de leur temps et de leur organisation ? 
 
Julien Lenglet : Le temps de travail est un problème global à l’intérieur de l’hôpital mais je ne crois pas qu’actuellement ce soit la revendication principale des jeunes médecins. Ils ont d’abord besoin d’avoir une vie professionnelle qui corresponde à leurs projets et donc un management adapté en termes de ressources humaines.
Récemment, j’ai eu vent d’un cas très concret : on a demandé à un jeune PH en anesthésie-réanimation spécialisé en neurochirurgie de ne faire que de l’anesthésie ophtalmologique. C’est évidemment dégradant à l’égard de ses compétences et surtout ça ne lui donne pas envie de rester. 
 
Pour envisager sereinement une carrière à l’hôpital, il faut un projet médical co-construit entre le responsable de la structure et le jeune praticien avec la volonté d’avancer dans sa carrière et d’acquérir des compétences nouvelles.
 
Par ailleurs, le statut de PH tel qu’on le connaît n’est plus incitatif intrinsèquement pour avoir envie de rester à l’hôpital public. La jeune génération a l’impression qu’être PH c’est gravir les échelons salariaux année après année et avoir une carrière essentiellement linéaire. Une carrière avec peu de changements de mode d’exercice, d’attribution en termes de valence.
Les jeunes ont envie de pouvoir passer du public au privé, des fonctions cliniques aux fonctions managériales. Le statut est dépassé, le médecin de la génération Y ne s’imagine pas médecin et fonctionnaire à la fois.
 
 
AH : Si l'accès au secteur 2 n'est pas un élément décisif pour un clinicat, qu'est ce qui motive l'accès au clinicat  ?
 
Julien Lenglet : Tout d’abord, de nombreux collègues sont évidemment engagés dans une voie de clinicat pour pouvoir accéder au secteur 2. Je crois surtout que le chef de clinique qui vient de terminer son internat a envie de garder toutes les portes ouvertes pour la suite de sa carrière. Pendant son  clinicat il procrastine la décision de ce que va être sa future carrière en fonction du déroulement de sa formation, en fonction des rencontres qu’il va faire car à la fin du clinicat tout est possible. Il peut choisir de se tourner vers le libéral, il peut devenir PH etc. Je pense que le clinicat est  idéal pour ne pas prendre de décisions trop vite et c’est pour moi la motivation principale en termes de statut. Sur le plan médical l’attrait du clinicat est quant à lui essentiel. Nous considérons souvent que nous ne sommes pas totalement formés à la fin de l’internat pour accéder à des postes de décision.
 
Le clinicat c’est l’entre-deux parfait avec le soutien d’un hôpital et d’une équipe, et l’acquisition de nouvelles compétences pour devenir autonome.
 
D’autre part le clinicat est un statut  plus avantageux que l’assistanat, notamment en termes de reconnaissance publique. Un ancien chef de clinique aura une reconnaissance supérieure sur le plan médical, et, en termes de salaire, les chefs de clinique sont mieux payés, plus spécialement ceux qui font des gardes. Enfin, il sera initié à l’enseignement et à la recherche. Ces jeunes médecins veulent transmettre leurs compétences aux jeunes collègues dans le cadre de leurs fonctions universitaires  et commencer à se faire un nom en publiant, en faisant de la recherche clinique ou fondamentale. En cela, le clinicat est un statut parfait.
 
AH : Selon vous et en quatre points, que faudrait-il voir changer à l'hôpital public pour résoudre cette crise d'attractivité ?
 
Julien Lenglet : Premièrement, faire en sorte qu’il n’y ait pas de diminution des revenus entre la fin du clinicat et le début de la carrière hospitalière. Les jeunes médecins sont prêts à garder le même niveau de revenu mais certainement pas à baisser leur niveau de vie.
Deuxième point, il faut un management hospitalier de qualité ; dans les CHU les fonctions de management sont assurées par le PUPH. Nous considérons que le fait d’avoir des fonctions académiques ne prédispose pas du tout au fait d’être un bon manager  au sein d‘une équipe. Nous avons besoin de personnes qui ont le goût du management, l’envie d’animer et faire grandir ces équipes. Même si certains PUPH font ça très bien, une majorité est à côté de la plaque car ce n’est pas à leur goût ou qu’ils ne sont pas formés à ça.
Troisièmement, avoir la possibilité de décloisonner la carrière hospitalière pour pouvoir passer de la ville à l’hôpital, de l’hôpital à la ville, pouvoir accéder aux fonctions de management pour ceux qui en ont besoin.
Enfin, le problème de la place de  l’hôpital dans le système de santé. Pour ceux qui sont PH, la tarification à l’activité fait qu’ils se retrouvent à faire du soin primaire à l’intérieur de l’hôpital alors qu’ils ne sont pas là pour ça. Il faut s’interroger sur la place de l’hôpital dans le système de santé et le rôle que doit avoir un jeune PH au sein de ces établissements.
 
Je conclurai en disant que le mode de fonctionnement global de l’hôpital, qui est probablement sur-administré et sous-doté en moyens, ne donne pas forcément envie d’y rester. La ville offre un confort d’exercice que n’offre en rien l’hôpital public.
 
AH : Un espace d'échange est souhaitable entre les Organisations syndicales de PH ne serait-ce que pour aborder les conditions d'exercice futures des chefs de clinique quand ils seront PH : selon vous est-ce possible ? 
 
Julien Lenglet : C’est évidemment possible et souhaitable. C’est d’ailleurs déjà le cas, puisque nous sommes en contact très régulier avec nos collègues du SNPHAR-E, d’Avenir Hospitalier et de l’INPH. Nous souhaitons pouvoir construire avec eux le modèle de demain à condition qu’ils acceptent que ce modèle soit radicalement différent. Nous ne sommes vraiment pas à l’aise avec le modèle actuel. La volonté d’avoir le statut de PH tel qu’on le connaît actuellement ne nous excite plus du tout.
 
Je suis clairement favorable et mes collègues aussi au fait de casser ce statut afin de le rendre beaucoup plus souple pour faire en sorte d’être des docteurs plus libres. Le statut de PH actuel ne nous rend pas libres, c’est un carcan.
 
Propos recueillis par S. Sargentini
 

Numerus Clausus : histoire d'une réforme dévoyée puis contre-productive

 
Le Numerus Clausus (NC) fut créé en 1971 (à plus de 8000 par an jusqu'en 1978), puis utilisé comme un objectif à abattre par les ministres qui se sont succédés jusque dans les années 90. Après un nadir à 3500, il a ré-augmenté pour atteindre environ 8000 par an. Ou comment le principe de réalité est si loin des préoccupations de ceux qui nous gouvernent...
 

L'histoire et ses raisons

Jusqu'en 1971, le nombre de médecins formés était basé sur le volontariat doublé d'un contrôle des connaissances par examen. Ce système est encore en vigueur dans la plupart des pays développés, dont l'Allemagne, qui consacre la même part de son PIB que la France à son système de santé. Le numerus clausus a été instauré à la demande des médecins qui voulaient limiter la concurrence, mais le chiffre initial de 8000 par an qui était suffisant à cette époque, a été diminué par les gouvernements successifs de tous bords, avec une vision bien libérale de l'offre de soins : si vous supprimez les vendeurs de voitures, vous n'aurez plus de dépenses automobiles, de même si vous supprimez les médecins, il n'y aura plus de malades consommateurs. C'est énarquement imparable... On arrive ainsi à 3500 étudiants en PCEM2 de 1993 à 1998, auxquels il faut retrancher en moyenne 10 % qui ne finissent jamais leurs études (décès, abandons, échecs).
Cette période a vu également se succéder des attaques répétées contre le pouvoir médical dans les hôpitaux, confié aux administratifs avec le succès que l'on sait, aussi bien en termes de santé publique (n°1 des systèmes de santé du monde en 2000, 11° aujourd'hui), que financier (dernier exercice excédentaire de la Sécu : 2001).
En 1998, le ministre de la santé demande un audit sur le nombre nécessaire de médecins, faisant apparaître en creux l'incurie invraisemblable des trente années précédentes en termes de pilotage. La réponse est qu'en dessous de 8000, le pays court à la crise. Le NC est alors très progressivement remonté jusqu'à ce chiffre, limité officiellement par les conditions d'accueil des étudiants...
 

Aujourd'hui

Désormais, la crise est patente : pendant ces années de creux démographique, les importations de médecins étrangers ont pris un rythme inédit, conduisant à la fois à une spoliation des ressources de pays en voie de développement qui en auraient eu besoin bien plus que nous, alors que ces médecins n'arrivent pas au même niveau de formation initiale que ceux qui sortent de nos facultés, et à la frustration de milliers d'étudiants français qui obtiennent pourtant un excellent niveau, mais n’atteignent pas la « barre » fatidique.
 

La démographie reste dramatiquement déficitaire face à l'accroissement et au vieillissement de la population française :

le nombre de malades chroniques explose et exige une prise en charge permettant de répondre aux promesses d'une transition démographique heureuse.
Et lorsqu'on a diminué le nombre de médecins en USLD (pour diminuer la « DMS », c'est-à-dire... l'espérance de vie!), qu'on arrive à 30 % de postes vacants chez les Praticiens hospitaliers, que le secteur libéral n'assure plus les urgences la nuit, et que les urgentistes hospitaliers sont en nombre gravement insuffisant, que faut-il faire ?
Le gouvernement a fait voter l'interdiction de conventionnement dans des lieux considérés comme riches en médecins (en fait les moins pauvres : on ne voit pas encore de médecin désœuvré...), ce qui revient à une interdiction d'installation en dehors du remplacement d'un collègue partant à la retraite.
Forcer les médecins à s'installer dans les déserts médicaux où il n'y a plus ni école, ni transports en commun, ni Poste, ni service public, ni d'ailleurs aucun magasin ? Et là où ils seront « prélevés » comment fera-t-on ? Il y a désormais des déserts même en proche banlieue parisienne !
 
Le bon sens voudrait surtout qu'on remonte le numerus Clausus, non ?
Quand aurons-nous à nouveau des gouvernants capables de prévoir à long terme ? 
 
 
Renaud Péquignot, Secrétaire Général d'AH
 
 
 

Avec le soutien du Groupe Pasteur Mutualité

 

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Campagne nationale
" Dis Doc', t'as ton doc' ? "  pour faire évoluer le modèle culturel des médecins !

 

Retrouvez toute l'information dans le communiqué de presse (cliquez ici)

www.cfar.org/didoc/ 

 

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Actu'APH n°16

       

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     Les annonces de recrutement octobre 2023

 

             retrouver ces annonces sur le site reseauprosante.fr

 

Les dernières actus

75 % DES MEDECINS HOSPITALIERS RISQUENT DE QUITTER L’HOPITAL PUBLIC DANS LES 5 ANS… … PARCE QUE PERSONNE NE PREND SOIN DES MEDECINS HOSPITALIERS.

MISSION-FLASH : UN NOUVEAU RATAGE GOUVERNEMENTAL (PREVISIBLE) !

Ce vendredi 1er juillet, Action Praticiens Hôpital dévoilait à la presse les résultats complets de l’enquête « Nuits Blanches » sur la permanence médicale des soins à l’hôpital public : 75 % des praticiens hospitaliers risquent de quitter l’hôpital public dans les 5 ans à cause de la permanence des soins. En parallèle, le rapport de la mission-flash sur les urgences était remis à la Première Ministre. Un rapport sans doute amoindri à la demande de la Première Ministre, puisque seules 41 des multiples propositions [CP1] [WA2] envisagées par la mission ont pu figurer dans le rapport.

le dossier de presse

Lettre aux élus De La République

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Paris, le 22 juin 2022

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président, Madame la rapporteure de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,


Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, organisation majoritaire aux dernières élections professionnelles pour le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux vous remercie pour l’écoute attentive lors de notre audition au Sénat du 9 décembre 2021. Nous vous remercions pour le rapport que vous avez publié le 29 mars 2022 et nous nous permettons de vous rappeler notre proposition de réfléchir ensemble sur les modalités législatives à mettre en œuvre pour faire évoluer la situation de l’Hôpital Public et de l’accès à un juste soin qui se dégradent sur l’ensemble du territoire national.

Nous représentons les médecins, pharmaciens, odontologistes des hôpitaux et faisons partie des corps intermédiaires élus. Nous sommes issus du terrain et des terroirs de notre Nation. Nous appartenons à l’Hôpital Public pour lequel nous œuvrons jour et nuit pour permettre un accès aux soins à tous nos concitoyens, vos électrices et vos électeurs, pour qu’en France vivre en bonne santé soit et reste une réalité.

Dans cette lettre nous vous résumons une partie de notre analyse sur les points de blocage et les leviers que la Loi devra changer pour que demain le pilier Santé retrouve sa juste place dans notre société. Pour que l’ensemble des praticiens et soignants des établissements de santé, du médico-social comme de la ville puissent retrouver la sérénité d’exercice dont ils ont besoin pour répondre aux attentes des patients et de leur famille.

Nous avons subi depuis des décennies le dogme de la rationalisation fiduciaire et notre système est à bout de souffle, au bord d’une rupture irrémédiable. La France qui dans les années 2000 était à la pointe de la médecine dans le monde se retrouve aujourd’hui au 23ème rang.

Notre rôle de corps intermédiaire a été trop souvent ignoré et parfois maltraité par une gangue administrative qui a parfois perdu le sens des valeurs de notre société. Nous connaissons bien les territoires et ce que nous avons à faire pour le bien commun. Nous vous l’avons démontré depuis longtemps et encore plus lors de la première vague Covid. Nous avons alerté également maintes fois pour que les choses évoluent…

Il semble temps aujourd’hui de changer de méthode et de retrouver des objectifs quantitatifs acceptables mais surtout qualitatifs en termes de juste soin pour les patients et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour nous vos soignants. Ces conditions sont indispensables pour que nos concitoyens puissent retrouver une espérance de vie en bonne santé superposable à celle des autres pays et que les acteurs du soin que nous sommes puissent également retrouver le sens de leurs métiers.

Nous ne sommes pas abstentionnistes ou spectateurs passifs mais des acteurs engagés pour construire le renouveau tant attendu par les Françaises et les Français et clairement exprimé ces dernières semaines. Nous sommes et serons là pour vous aider à reconstruire et à moderniser l’existant pour que le vivre ensemble en bonne santé ne soit plus un mirage mais redevienne une réalité pour toutes et tous en tout point du territoire.

APH est à votre disposition pour travailler dans cette direction dans un respect mutuel et autour des valeurs de notre République.

Prenez soin de vous, des vôtres et de la santé de vos administrés comme celle de l’Hôpital Public et de notre système de soin.

 

APH REAGIT A LA « NOTE AU GOUVERNEMENT » DE MARTIN HIRSCH

 

Tribune APH du 9 mai 2022

 

Martin Hirsch, directeur général de l’APHP, s’est autorisé à envoyer une « note au gouvernement » [1] qui ressemble à un acte de candidature au poste de ministre chargé de la Santé. Dans cette note, adressée en copie à la presse, il étale ses réflexions et ses propositions pour l’hôpital public… Nous nous limiterons ici à commenter ses propositions, exposées comme une profession de foi.

Faire le constat du naufrage de l’hôpital public, annoncé par les syndicats depuis longtemps, fait désormais l’unanimité. Les discours des politiques et des administratifs assurant que l’hôpital tient toujours debout, qu’il a tenu pendant la pandémie, que la résilience des hospitaliers est inaltérable ne sont que façade. La réalité de notre quotidien est tout autre : la souffrance des hospitaliers explose, déprogrammations et fermetures de services résultent du manque de professionnels paramédicaux et médicaux, qui fuient en nombre le service public hospitalier. Nombre de celles et ceux qui restent encore sur le front sont rongés par un épuisement professionnel et personnel.

Cependant, les angles de vue proposés par Martin Hirsch sont inquiétants, en profond décalage avec les métiers du soin et la notion de service public.

  • Considérer que le soin se résume à une productivité mesurable est d’une cruelle indécence pour tous ceux dont on salue la vocation, l’humanisme et tout simplement le professionnalisme. Dans quelque secteur du soin que ce soit, le geste technique – qui rapporte à l’hôpital – n’est rien sans la relation du soignant avec le patient, sans le travail d’équipe, sans la réflexion sur son propre travail. C’est pourtant bien cette perte de sens qui fait fuir ou qui épuise les professionnels de santé.
  • Considérer que le professionnel de santé est un pion qui joue individuellement et que l’on peut balader d’un service à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une région à l’autre est encore une fois oublier le sens du soin à l’hôpital. Une équipe se construit, a une histoire, un projet, elle se renouvelle, mais doit savoir garder ceux qui s’investissent pour elle et doit donner la possibilité à chacun de s’investir, pour se sentir partie prenante de l’œuvre commune de soigner, d’accompagner et du vivre ensemble.
  • Considérer l’hôpital sans la ville oublie que le système de santé doit être centré autour du patient, et de son médecin traitant, et non du CHU parisien. Le champ du médico-social semblerait aussi avoir été omis… Le passage à l’hôpital d’un patient ne devrait se faire que lorsque les moyens de la ville et du premier recours sont dépassés : compétences spécialisées, plateaux techniques et maternités.
  • Défier les corps intermédiaires élus et donc légitimes, c’est-à-dire les syndicats – ce terme n’est même pas mentionné dans sa note – comme ne défendant pas les intérêts des praticiens est particulièrement déplacé. L’exemple de la discussion lors du Ségur sur la permanence des soins… à laquelle il n’a pas participé, contrairement à nous ! – en dit long sur sa vision du dialogue social…

Ainsi, ses propositions sont-elles également en décalage avec les métiers du soin hospitalier.

  • L’attractivité (jamais nommée dans la « note ») ne peut se résumer au problème des rémunérations. Il est si facile d’occulter les réelles difficultés : permanence des soins, temps de travail, reconnaissance de la pénibilité, équilibre vie professionnelle et personnelle, adaptation des contraintes à la parentalité… Le Ségur a été insuffisant, quand il n’a pas été insultant pour les praticiens hospitaliers. Le chantier de l’attractivité est à ouvrir réellement, courageusement : c’est une des priorités à mettre en œuvre immédiatement.
  • La mobilité versus la carrière à vie ? Destructrice de l’équipe et de tout projet professionnel, la perpétuelle mobilité contribuerait à envoyer les praticiens vers des carrières « à vie » dans les établissements qui le proposent : les établissements privés. Si nous sommes d’accord sur le fait que la concentration des prérogatives « clinique, enseignement, recherche et management » sur les seuls hospitalo-universitaires n’a pas de sens, il n’y a en revanche aucune honte à être praticien hospitalier toute sa vie, ou pendant un temps long, dans un même établissement. Il n’y a aucune honte à y travailler sans aspiration hospitalo-universitaire. Le travail hospitalier des praticiens implique la constitution de projets à long terme, d’investissements financiers, mais aussi de création de réseaux avec la ville, le médico-social et de suivi des patients porteurs de pathologies chroniques complexes. Monsieur Hirsch sait-il seulement ce qu’est le travail d’un praticien hospitalier, d’un soignant ?
  • La casse du statut ? Oui, les professionnels de santé gagneraient à être reconnus ou assimilés à des fonctionnaires « régaliens », plutôt que de poursuivre leur engagement dans l’hôpital public tout en voyant des collègues faire de l’intérim pour des rémunérations qui vont jusqu’à dix fois la leur, pour produire de l’acte sans contribuer aux piliers essentiels de l’hôpital que sont l’équipe, les liens entre services et la vie institutionnelle. Tous ces nouveaux contrats dont rêve Monsieur Hirsch ne font pas avancer l’hôpital : ils continuent à le détruire davantage. Les professionnels de santé engagés dans l’hôpital public demandent seulement à être rémunérés en fonction du travail qu’ils réalisent, où pénibilité et responsabilité doivent être prises en compte.
  • La gouvernance souffre en tout premier lieu de démocratie, notamment dans la désignation des chefs de service et de pôle. Aucun projet de réforme de gouvernance ne peut voir le jour sans ce prérequis. L’évocation des instances médicales et paramédicales des instances de gouvernance n’appelle pas la comparaison suggérée par Martin Hirsch : ni leur composition ni leurs missions ne sont comparables, ce d’autant qu’aucune représentation syndicale médicale locale n’est actée dans les établissements publics de santé. Cette absence d’implication des syndicats de praticiens hospitaliers à l’échelon du territoire de santé est une anomalie qui interroge…

Action Praticien Hôpital ne cesse d’appeler à réformer le système de santé et continuera à porter les principes de la qualité de vie des praticiens hospitaliers ; c’est l’intérêt de l’hôpital public : ceux qui y travaillent, ceux qui y sont soignés. Pour nous, le statut de praticiens est un gage de sûreté pour ce corps mais également d’équité sur l’ensemble du territoire national. Contrairement aux propos de Monsieur Hirsch, le cadre qu’il définit comme « rigide » de l’hôpital public ne l’empêche pas d’évoluer. Au contraire, il sécurise une réforme nécessaire, tout en gardant les prérogatives du service public comme les valeurs de la République pour défendre notre système solidaire de santé.

Nous défendrons des actions pour promouvoir un renouveau du système hospitalier et de celui de la santé en conservant les fondamentaux comme ceux des statuts, des engagements par conviction au service des patients et dans un esprit d’équipe et avec une rémunération revalorisée mais sans lien avec de l’intéressement et de la spéculation.

Cette réforme sera coûteuse mais elle est nécessaire, et elle sera efficace.

Ayons le courage de définir la place de l’hôpital public dans le système de santé : il n’est en concurrence ni avec la médecine de ville, ni avec l’activité des cliniques lucratives dont les missions et les objectifs sont différents.

Ayons le courage de mettre sur la table le problème du temps de travail des praticiens hospitaliers, chantier éludé du Ségur, et mettons en regard les rémunérations avec le volume horaire de travail réalisé par les praticiens.

Ayons le courage de corriger l’erreur du Ségur qui a valorisé l’engagement des jeunes sans considérer celui de ceux qui tiennent l’hôpital public depuis des dizaines d’années : donnons à tous la bonification d’ancienneté de 4 ans.

Ayons le courage de mettre sur la table le chantier de la permanence des soins : pas timidement et de manière insultante comme au Ségur, mais par une revalorisation massive à hauteur de la permanence des soins effectuée par les libéraux (le rapport de l’IGAS sur le sujet n’est toujours pas public…), et par une prise en compte des effets collatéraux du travail de nuit : pénibilité, déséquilibre vie professionnelle – vie personnelle, morbidité induite et réduction de l’espérance de vie.

Ayons le courage d’officialiser les mesures d’attractivité plutôt que de laisser perdurer les petits arrangements opaques, à la limite de la légalité, dont le principe et de nombreux exemples sont pourtant connus des tutelles.

Ayons le courage de réformer la gouvernance en imposant une réelle démocratie sanitaire, dans la désignation des chefs de service et de pôle autour d’un projet médico-soignant. Donnons la possibilité de faire exister les syndicats médicaux dans les établissements au même titre que les syndicats paramédicaux. Les syndicats et leurs représentants ont un rôle à joueur pour faire vivre le dialogue social dans les établissements de soins mais également sur les territoires de santé.

Ayons le courage d’un dialogue social équilibré. Les erreurs de trajectoire pour l’hôpital public, et notamment les plus récentes, sont le fruit de négociations tripartites où directeurs et DGOS ont une connivence à peine voilée, tandis que la parole – et même le vote – des praticiens concernant les évolutions est quasiment ignorée. Écouter le terrain sans le suivre nous a conduit dans le mur. Appliquer les propositions des représentants légitimes que sont les syndicats est la seule planche de salut pour l’hôpital public : Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, et ses composantes, représentant l’ensemble des spécialités médicales, odontologiques et pharmaceutiques, majoritaires chez les praticiens hospitaliers et les contractuels aux dernières élections professionnelles, sera présent et force de propositions.

Jean-François Cibien- Président AH, Président APH, 06 07 19 79 83

Carole Poupon - Présidente CPH, Vice-présidente APH ; 06 76 36 56 67

Yves Rébufat - Président exécutif AH , 06 86 87 62 76

[1] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/hopital-le-temps-de-la-refondation-1404467

 

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