Inter-génération

Enquête vie privée/ vie professionnelle : l’hôpital est un excellent reflet de la société ! 

Les résultats de cette enquête inédite, qui a été imaginée puis mise en place par APH et Jeunes Médecins a été présentée à la presse à la veille de la journée des droits des femmes. Et pour cause, 66% des 3500 PH à avoir répondu sont des femmes ! On comprend très vite en voyant les chiffres, qu’à l’hôpital comme ailleurs, les femmes sont perdantes quand il s’agit d’équilibre vie privée/vie professionnelle. « Il y a 10 ans, ce sujet n’intéressait personne ! Il semblerait que depuis la libération de la parole qui a fait suite à l’affaire Weinstein et au mouvement #Metoo, le sujet de la féminisation soit plus audible, il faut la rendre encore plus audible à l’hôpital » affirme Nicole Smolski, présidente d’honneur d’APH. Alors, qui a participé à cette enquête ? Quelles conclusions faut-il en tirer ? Et surtout quelles actions mener face à ces discriminations, à ces asymétries entre les hommes et les femmes qui n’en finissent plus de perdurer ? 

À l’hôpital et à la maison ?

56 % des femmes travaillent plus de 50 heures par semaine et ont un conjoint qui, lui aussi, travaille beaucoup (44 heures en moyenne), mais 28 % des femmes de médecins hommes exercent à temps partiel, pour 6 % des conjoints hommes. L’asymétrie est donc bien nette. 
Pour 58 % des femmes (62 % des jeunes femmes) et 46 % des hommes se déclarent en épuisement chronique. 
Les médecins rencontrent beaucoup de problèmes pour la garde des enfants en raison de leurs horaires (plus la semaine que le WE). Ils n’ont que rarement accès aux crèches hospitalières. La répartition des tâches domestiques et ménagères est très asymétrique, le niveau élevé d’études et le fort investissement professionnel ne changent pas les mentalités, et ce même pour les jeunes de moins de 45 ans !
 

Discrimination ou autocensure au féminin ?

Alors que les statuts et grilles salariales ne laissent aucune part à une discrimination objective, l’enquête laisse plutôt transparaître une autocensure chez les femmes, qui doivent souvent faire face en même temps à la construction de leur vie familiale et parentale, et de leur vie professionnelle, et renoncent de ce fait à certains aspects de leur carrière. Les chiffres sont révélateurs : 
En effet, si elles avaient moins de contraintes familiales, les femmes aimeraient travailler plus que les hommes, elles se formeraient davantage (49 % vs 33 %) et s’investiraient plus dans des missions transversales. 
36 % des femmes considèrent avoir modifié leur parcours professionnel en raison de leur charge familiale contre 22 % pour les hommes, et d’ailleurs près d’une femme sur 2 se sent coupable d’avoir jugé sa carrière très importante, notamment vis a vis de ses enfants. 
Pour en revenir à la formation, 55 % femmes déclarent avoir renoncé à la formation continue, vs 33 % pour les hommes. Elles déclarent également faire moins de travail personnel à la maison en lien avec leur carrière que les hommes. Ces chiffres sont potentiellement lourds de conséquences, aussi bien pour la qualité du travail que pour l’intégration dans l’équipe et les projets professionnels.
 

Entre discriminations et renoncement personnel ?

Parmi d’autres, ce sont les discriminations ressenties liées au sexe qui sont les plus importantes, avec un gros différentiel entre les hommes et les femmes (18  % vs 43 %, et 47 % chez les jeunes femmes). C’est corroboré par les attentes vis a vis de la parité : alors qu’il n’existe pas d’attente de parité à l’entrée des facultés, il existe une assez forte demande de parité pour les postes supposés à responsabilités ou pouvoir : 47 % des femmes (28 % hommes) seraient favorables à une parité pour les HU et 52 % (vs 30 %) favorables à une parité pour la chefferie de pôle. 
Trois femmes sur 4 pensent qu’elles auraient fait une autre carrière si elles étaient du sexe opposé. Mais est-ce une réelle discrimination ou un renoncement personnel ? L’enquête ne peut trancher.
Une femme sur 3 considère que les grossesses ont pénalisé sa carrière et a ressenti des attitudes discriminatoires liées à sa grossesse (30 %).
 

Harcèlement et humiliations morales : l’omerta hospitalière 

15 % de femmes déclarent avoir déjà été harcelées sexuellement, 18 % déclarent en avoir été témoin. Le profil type du harceleur est un homme médecin en relation de pouvoir (vrai ou imaginé).
Mais au delà de ces chiffres, dont on ne peut comparer la prévalence avec d’autres groupes professionnels, le plus important c’est le consensus dans les deux cas sur l’absence de réaction de l’institution et/ou l’omerta qui règne autour de ces phénomènes.
Seulement 33% des répondants n’en ont jamais vu 
 

Et bien des combats s’ouvrent à nous !

Qu’est ce qui changerait la vie à l’hôpital pour les femmes ? Elles répondent !
  • 4 pistes sont plébiscitées ,
    • - un observatoire national des discriminations sexuelles.
    • - une campagne de sensibilisation aux maltraitances diverses
    • - un CHSCT ouvert aux médecins
    • - des droits syndicaux ouverts aux médecins
  • Une nette attente de parité (HU, CDP et directions).
  • Des revendications qui rencontrent une très forte adhésion :
    • Pouvoir moduler sa carrière sans conséquences pour celle-ci (44 %), 
    • Moins d’heures de travail par semaine (40 %), 
    • Des crèches hospitalières ouvertes aux médecins (34 %)
    • Des remplacements en cas de congés maternité (32 %)
    • Mieux pouvoir prévoir son heure de sortie le soir (31  %).
    • Une augmentation des rémunérations est notée en 2ème position (43 %), mais par rapport aux hommes (61 %). La différence est sans doute à mettre en lien avec une plus forte dispersion des réponses féminines vers des solutions concrètes pour leur équilibre de vie, sans que pour autant les revendications salariales soient moins importantes. 
Il s’agit d’une enquête historique dans la vie hospitalière. C’est la première fois que la question de l’équilibre vie privée vie professionnelle est posée, alors que c’est un point phare de l’attractivité des carrières médicales hospitalières. 
Cette initiative APH va permettre de libérer la parole, des femmes et des hommes, sur leurs attentes, leurs ressentis, leurs déceptions éventuelles. 
Le constat actuel, à ce stade de l’analyse de l’enquête, est que l’adéquation vie privée vie professionnelle n’est pas bonne, ni pour les hommes et encore moins pour les femmes.
L’hôpital, qui a vu depuis les 30 dernières années se féminiser, n’a pas du tout anticipé les conséquences nécessaires à une bonne intégration et à ce que celles-ci prennent la place qu’elles méritent. L’hôpital n’est pas le seul employeur dans ce cas, naturellement. Mais il est temps que ça change, et c’est là un de nos engagements syndicaux pour la période à venir. 
 

« Accompagner les femmes sans les victimiser » : les précisions de Nicole Smolski, présidente d’honneur d’APH

« Cette enquête est un constat, fait par les femmes et les hommes. Nous n’avons gardé que les femmes. Ce constat est le premier fait à l'hôpital, à savoir que les équilibres vie privée/vie professionnelle se font mal à l'hôpital. C’est le cas pour les hommes ET pour les femmes, mais encore plus pour les femmes. 
Il ne s'agit en aucun cas d'avoir un discours victimaire de la part des femmes : le prototype des hommes médecins n’est pas celui de gros harceleurs sexuels, sauf cas très particuliers. Il était important, pour nous, d’éviter cet écueil, notamment face à la presse très friande de ce genre de raccourci spectacle. Nous vivons ensemble, hommes et femmes, en bonne entente, au sein des équipes. 
Mais l'arrivée des femmes, les trente dernières années dans le champ hospitalier, n'a jamais été anticipée ni accompagnée, et nous-mêmes syndicalistes ne l'avons pas identifiée comme un problème en soi, et donc nous n'avons pas cherché de pistes d'amélioration.
Il s'agit donc d'un problème systémique et pas individuel, et c'est en tant que tel que nous devons l'aborder. Les femmes s'autocensurent, renoncent à beaucoup de choses, à cause de pressions le plus souvent implicites, de culpabilisation aussi bien familiales que vis-à-vis des collègues. Elles renoncent pour beaucoup à leur carrière, à leur formation continue, aux investissements transversaux.
L'hôpital doit donc offrir un accompagnement à cette féminisation de la profession, si on veut que les femmes puissent s'engager. Ca doit être une priorité syndicale.
Il y a des choses simples qui pourraient être mises en place rapidement : ouvrir les crèches aux enfants de médecins, réfléchir à des locaux pour l'allaitement, à ce que les médecins du travail soient plus partie prenante pour aider (postes aménagés, ou visite avant reprise de maternité).
D'autres sont plus compliquées à mettre en place comme : les remplacements courts avec statut spécifique de remplaçant pour les congés maternité, la surveillance des temps consacrés à la FMC, des campagnes contre le harcèlement et les violences.
Mais ce n’est pas parce que c’est plus compliqué que nous devons renoncer, bien au contraire. 
Et toutes ces pistes, qui ne sont pas restrictives, ne sont pas des pistes « genrées », qui risquent de stigmatiser les femmes dans un rôle de « pondeuses qui ont des égards » : toutes nos demandes (sauf congés maternité et allaitement) concernent hommes et femmes, et leur satisfaction va permettre d’améliorer la vie des femmes ET des hommes à l’hôpital. C’est un enjeu sociétal, car les aspirations au travail changent. Le temps du médecin héros rentrant harassé le soir pour embrasser ses enfants déjà couchés est révolu. Femmes et hommes veulent une vie équilibrée, pouvoir s’engager professionnellement sans renoncer à une vie familiale équilibrée : c’est un challenge auquel APH va s’attaquer. 
 

Les femmes médecins et la grossesse 

  • 6 % des jeunes femmes médecins ne prennent pas leur congé maternité. La moitié (52 %) pour des problèmes de carrière et 16 % n’ont pas osé. 
  • L’arrêt du travail de nuit au 3ème mois est un dispositif légal qui n’est pas respecté chez près de 6 jeunes femmes sur 10 (58 %). (pas osé, ou pas pu pour problèmes financiers)
  • Pas de visite de médecine du travail après un arrêt pour grossesse pour 8 jeunes femmes sur 10.
  • Volonté de poursuivre l’allaitement après la reprise du travail (une femme sur 3 l’a fait, mais aucun aménagement en termes de locaux ou de pause).

Ils en ont parlé

Le quotidien du médecin :
https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/evenement/2019/03/07/enquete-sur-la-vie-de-3-500-praticiens-hospitaliers_866589
 
Le Monde : 
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/07/a-l-hopital-les-carrieres-des-femmes-restent-des-parcours-semes-d-obstacles_5432707_3224.html 
 
Le Figaro :
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2019/03/07/97001-20190307FILWWW00107-egalite-a-l-hopital-les-femmes-renoncent-a-se-former.php
 
L’Express :
https://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/hopital-les-femmes-medecins-renoncent-plus-souvent-a-se-former-enquete_2065841.html
 

 

 

Avec le soutien du Groupe Pasteur Mutualité

 

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Campagne nationale
" Dis Doc', t'as ton doc' ? "  pour faire évoluer le modèle culturel des médecins !

 

Retrouvez toute l'information dans le communiqué de presse (cliquez ici)

www.cfar.org/didoc/ 

 

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Actu'APH n°16

       

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     Les annonces de recrutement octobre 2023

 

             retrouver ces annonces sur le site reseauprosante.fr

 

Les dernières actus

75 % DES MEDECINS HOSPITALIERS RISQUENT DE QUITTER L’HOPITAL PUBLIC DANS LES 5 ANS… … PARCE QUE PERSONNE NE PREND SOIN DES MEDECINS HOSPITALIERS.

MISSION-FLASH : UN NOUVEAU RATAGE GOUVERNEMENTAL (PREVISIBLE) !

Ce vendredi 1er juillet, Action Praticiens Hôpital dévoilait à la presse les résultats complets de l’enquête « Nuits Blanches » sur la permanence médicale des soins à l’hôpital public : 75 % des praticiens hospitaliers risquent de quitter l’hôpital public dans les 5 ans à cause de la permanence des soins. En parallèle, le rapport de la mission-flash sur les urgences était remis à la Première Ministre. Un rapport sans doute amoindri à la demande de la Première Ministre, puisque seules 41 des multiples propositions [CP1] [WA2] envisagées par la mission ont pu figurer dans le rapport.

le dossier de presse

Lettre aux élus De La République

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Paris, le 22 juin 2022

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président, Madame la rapporteure de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,


Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, organisation majoritaire aux dernières élections professionnelles pour le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux vous remercie pour l’écoute attentive lors de notre audition au Sénat du 9 décembre 2021. Nous vous remercions pour le rapport que vous avez publié le 29 mars 2022 et nous nous permettons de vous rappeler notre proposition de réfléchir ensemble sur les modalités législatives à mettre en œuvre pour faire évoluer la situation de l’Hôpital Public et de l’accès à un juste soin qui se dégradent sur l’ensemble du territoire national.

Nous représentons les médecins, pharmaciens, odontologistes des hôpitaux et faisons partie des corps intermédiaires élus. Nous sommes issus du terrain et des terroirs de notre Nation. Nous appartenons à l’Hôpital Public pour lequel nous œuvrons jour et nuit pour permettre un accès aux soins à tous nos concitoyens, vos électrices et vos électeurs, pour qu’en France vivre en bonne santé soit et reste une réalité.

Dans cette lettre nous vous résumons une partie de notre analyse sur les points de blocage et les leviers que la Loi devra changer pour que demain le pilier Santé retrouve sa juste place dans notre société. Pour que l’ensemble des praticiens et soignants des établissements de santé, du médico-social comme de la ville puissent retrouver la sérénité d’exercice dont ils ont besoin pour répondre aux attentes des patients et de leur famille.

Nous avons subi depuis des décennies le dogme de la rationalisation fiduciaire et notre système est à bout de souffle, au bord d’une rupture irrémédiable. La France qui dans les années 2000 était à la pointe de la médecine dans le monde se retrouve aujourd’hui au 23ème rang.

Notre rôle de corps intermédiaire a été trop souvent ignoré et parfois maltraité par une gangue administrative qui a parfois perdu le sens des valeurs de notre société. Nous connaissons bien les territoires et ce que nous avons à faire pour le bien commun. Nous vous l’avons démontré depuis longtemps et encore plus lors de la première vague Covid. Nous avons alerté également maintes fois pour que les choses évoluent…

Il semble temps aujourd’hui de changer de méthode et de retrouver des objectifs quantitatifs acceptables mais surtout qualitatifs en termes de juste soin pour les patients et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour nous vos soignants. Ces conditions sont indispensables pour que nos concitoyens puissent retrouver une espérance de vie en bonne santé superposable à celle des autres pays et que les acteurs du soin que nous sommes puissent également retrouver le sens de leurs métiers.

Nous ne sommes pas abstentionnistes ou spectateurs passifs mais des acteurs engagés pour construire le renouveau tant attendu par les Françaises et les Français et clairement exprimé ces dernières semaines. Nous sommes et serons là pour vous aider à reconstruire et à moderniser l’existant pour que le vivre ensemble en bonne santé ne soit plus un mirage mais redevienne une réalité pour toutes et tous en tout point du territoire.

APH est à votre disposition pour travailler dans cette direction dans un respect mutuel et autour des valeurs de notre République.

Prenez soin de vous, des vôtres et de la santé de vos administrés comme celle de l’Hôpital Public et de notre système de soin.

 

APH REAGIT A LA « NOTE AU GOUVERNEMENT » DE MARTIN HIRSCH

 

Tribune APH du 9 mai 2022

 

Martin Hirsch, directeur général de l’APHP, s’est autorisé à envoyer une « note au gouvernement » [1] qui ressemble à un acte de candidature au poste de ministre chargé de la Santé. Dans cette note, adressée en copie à la presse, il étale ses réflexions et ses propositions pour l’hôpital public… Nous nous limiterons ici à commenter ses propositions, exposées comme une profession de foi.

Faire le constat du naufrage de l’hôpital public, annoncé par les syndicats depuis longtemps, fait désormais l’unanimité. Les discours des politiques et des administratifs assurant que l’hôpital tient toujours debout, qu’il a tenu pendant la pandémie, que la résilience des hospitaliers est inaltérable ne sont que façade. La réalité de notre quotidien est tout autre : la souffrance des hospitaliers explose, déprogrammations et fermetures de services résultent du manque de professionnels paramédicaux et médicaux, qui fuient en nombre le service public hospitalier. Nombre de celles et ceux qui restent encore sur le front sont rongés par un épuisement professionnel et personnel.

Cependant, les angles de vue proposés par Martin Hirsch sont inquiétants, en profond décalage avec les métiers du soin et la notion de service public.

  • Considérer que le soin se résume à une productivité mesurable est d’une cruelle indécence pour tous ceux dont on salue la vocation, l’humanisme et tout simplement le professionnalisme. Dans quelque secteur du soin que ce soit, le geste technique – qui rapporte à l’hôpital – n’est rien sans la relation du soignant avec le patient, sans le travail d’équipe, sans la réflexion sur son propre travail. C’est pourtant bien cette perte de sens qui fait fuir ou qui épuise les professionnels de santé.
  • Considérer que le professionnel de santé est un pion qui joue individuellement et que l’on peut balader d’un service à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une région à l’autre est encore une fois oublier le sens du soin à l’hôpital. Une équipe se construit, a une histoire, un projet, elle se renouvelle, mais doit savoir garder ceux qui s’investissent pour elle et doit donner la possibilité à chacun de s’investir, pour se sentir partie prenante de l’œuvre commune de soigner, d’accompagner et du vivre ensemble.
  • Considérer l’hôpital sans la ville oublie que le système de santé doit être centré autour du patient, et de son médecin traitant, et non du CHU parisien. Le champ du médico-social semblerait aussi avoir été omis… Le passage à l’hôpital d’un patient ne devrait se faire que lorsque les moyens de la ville et du premier recours sont dépassés : compétences spécialisées, plateaux techniques et maternités.
  • Défier les corps intermédiaires élus et donc légitimes, c’est-à-dire les syndicats – ce terme n’est même pas mentionné dans sa note – comme ne défendant pas les intérêts des praticiens est particulièrement déplacé. L’exemple de la discussion lors du Ségur sur la permanence des soins… à laquelle il n’a pas participé, contrairement à nous ! – en dit long sur sa vision du dialogue social…

Ainsi, ses propositions sont-elles également en décalage avec les métiers du soin hospitalier.

  • L’attractivité (jamais nommée dans la « note ») ne peut se résumer au problème des rémunérations. Il est si facile d’occulter les réelles difficultés : permanence des soins, temps de travail, reconnaissance de la pénibilité, équilibre vie professionnelle et personnelle, adaptation des contraintes à la parentalité… Le Ségur a été insuffisant, quand il n’a pas été insultant pour les praticiens hospitaliers. Le chantier de l’attractivité est à ouvrir réellement, courageusement : c’est une des priorités à mettre en œuvre immédiatement.
  • La mobilité versus la carrière à vie ? Destructrice de l’équipe et de tout projet professionnel, la perpétuelle mobilité contribuerait à envoyer les praticiens vers des carrières « à vie » dans les établissements qui le proposent : les établissements privés. Si nous sommes d’accord sur le fait que la concentration des prérogatives « clinique, enseignement, recherche et management » sur les seuls hospitalo-universitaires n’a pas de sens, il n’y a en revanche aucune honte à être praticien hospitalier toute sa vie, ou pendant un temps long, dans un même établissement. Il n’y a aucune honte à y travailler sans aspiration hospitalo-universitaire. Le travail hospitalier des praticiens implique la constitution de projets à long terme, d’investissements financiers, mais aussi de création de réseaux avec la ville, le médico-social et de suivi des patients porteurs de pathologies chroniques complexes. Monsieur Hirsch sait-il seulement ce qu’est le travail d’un praticien hospitalier, d’un soignant ?
  • La casse du statut ? Oui, les professionnels de santé gagneraient à être reconnus ou assimilés à des fonctionnaires « régaliens », plutôt que de poursuivre leur engagement dans l’hôpital public tout en voyant des collègues faire de l’intérim pour des rémunérations qui vont jusqu’à dix fois la leur, pour produire de l’acte sans contribuer aux piliers essentiels de l’hôpital que sont l’équipe, les liens entre services et la vie institutionnelle. Tous ces nouveaux contrats dont rêve Monsieur Hirsch ne font pas avancer l’hôpital : ils continuent à le détruire davantage. Les professionnels de santé engagés dans l’hôpital public demandent seulement à être rémunérés en fonction du travail qu’ils réalisent, où pénibilité et responsabilité doivent être prises en compte.
  • La gouvernance souffre en tout premier lieu de démocratie, notamment dans la désignation des chefs de service et de pôle. Aucun projet de réforme de gouvernance ne peut voir le jour sans ce prérequis. L’évocation des instances médicales et paramédicales des instances de gouvernance n’appelle pas la comparaison suggérée par Martin Hirsch : ni leur composition ni leurs missions ne sont comparables, ce d’autant qu’aucune représentation syndicale médicale locale n’est actée dans les établissements publics de santé. Cette absence d’implication des syndicats de praticiens hospitaliers à l’échelon du territoire de santé est une anomalie qui interroge…

Action Praticien Hôpital ne cesse d’appeler à réformer le système de santé et continuera à porter les principes de la qualité de vie des praticiens hospitaliers ; c’est l’intérêt de l’hôpital public : ceux qui y travaillent, ceux qui y sont soignés. Pour nous, le statut de praticiens est un gage de sûreté pour ce corps mais également d’équité sur l’ensemble du territoire national. Contrairement aux propos de Monsieur Hirsch, le cadre qu’il définit comme « rigide » de l’hôpital public ne l’empêche pas d’évoluer. Au contraire, il sécurise une réforme nécessaire, tout en gardant les prérogatives du service public comme les valeurs de la République pour défendre notre système solidaire de santé.

Nous défendrons des actions pour promouvoir un renouveau du système hospitalier et de celui de la santé en conservant les fondamentaux comme ceux des statuts, des engagements par conviction au service des patients et dans un esprit d’équipe et avec une rémunération revalorisée mais sans lien avec de l’intéressement et de la spéculation.

Cette réforme sera coûteuse mais elle est nécessaire, et elle sera efficace.

Ayons le courage de définir la place de l’hôpital public dans le système de santé : il n’est en concurrence ni avec la médecine de ville, ni avec l’activité des cliniques lucratives dont les missions et les objectifs sont différents.

Ayons le courage de mettre sur la table le problème du temps de travail des praticiens hospitaliers, chantier éludé du Ségur, et mettons en regard les rémunérations avec le volume horaire de travail réalisé par les praticiens.

Ayons le courage de corriger l’erreur du Ségur qui a valorisé l’engagement des jeunes sans considérer celui de ceux qui tiennent l’hôpital public depuis des dizaines d’années : donnons à tous la bonification d’ancienneté de 4 ans.

Ayons le courage de mettre sur la table le chantier de la permanence des soins : pas timidement et de manière insultante comme au Ségur, mais par une revalorisation massive à hauteur de la permanence des soins effectuée par les libéraux (le rapport de l’IGAS sur le sujet n’est toujours pas public…), et par une prise en compte des effets collatéraux du travail de nuit : pénibilité, déséquilibre vie professionnelle – vie personnelle, morbidité induite et réduction de l’espérance de vie.

Ayons le courage d’officialiser les mesures d’attractivité plutôt que de laisser perdurer les petits arrangements opaques, à la limite de la légalité, dont le principe et de nombreux exemples sont pourtant connus des tutelles.

Ayons le courage de réformer la gouvernance en imposant une réelle démocratie sanitaire, dans la désignation des chefs de service et de pôle autour d’un projet médico-soignant. Donnons la possibilité de faire exister les syndicats médicaux dans les établissements au même titre que les syndicats paramédicaux. Les syndicats et leurs représentants ont un rôle à joueur pour faire vivre le dialogue social dans les établissements de soins mais également sur les territoires de santé.

Ayons le courage d’un dialogue social équilibré. Les erreurs de trajectoire pour l’hôpital public, et notamment les plus récentes, sont le fruit de négociations tripartites où directeurs et DGOS ont une connivence à peine voilée, tandis que la parole – et même le vote – des praticiens concernant les évolutions est quasiment ignorée. Écouter le terrain sans le suivre nous a conduit dans le mur. Appliquer les propositions des représentants légitimes que sont les syndicats est la seule planche de salut pour l’hôpital public : Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, et ses composantes, représentant l’ensemble des spécialités médicales, odontologiques et pharmaceutiques, majoritaires chez les praticiens hospitaliers et les contractuels aux dernières élections professionnelles, sera présent et force de propositions.

Jean-François Cibien- Président AH, Président APH, 06 07 19 79 83

Carole Poupon - Présidente CPH, Vice-présidente APH ; 06 76 36 56 67

Yves Rébufat - Président exécutif AH , 06 86 87 62 76

[1] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/hopital-le-temps-de-la-refondation-1404467

 

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