GHT

Il était une fois un GHT ... réussi

D’après le témoignage de Cynthia Garignon (Saint-Brieuc)
 
L’histoire de notre GHT a débuté avec une communauté hospitalière de territoire, et c’est ce qui a vraiment facilité sa création et sa mise en place puisqu’il y avait déjà des collaborations importantes dans certaines équipes. 
 
Cet historique nous permet de nous différencier des autres structures autour de nous, c’est un de nos points forts. 
  • Nous nous sommes basés sur la définition de plusieurs filières de soins qui sont très transversales : l’oncologie, la chirurgie digestive, la périnatalité, la filière urgences… Au sein de ces filières, des consultations avancées ont été mises en place : l’hôpital support vient en appui aux établissements plus périphériques. Disons pour résumer que c’est donnant donnant : nous apportons notre expertise de spécialistes dans les hôpitaux dits périphériques et en contrepartie les spécialistes drainent une population supplémentaire.
  • Nous avons consolidé ces acquis avec l’idée de créer des filières complètes avec des parcours de patients identifiés, pour qu’au sein d’un même territoire tous les patients puissent accéder à la même qualité de soins, quel que soit leur point d’entrée. Par exemple dans note filière oncologie : le patient doit pouvoir être pris en charge par la même équipe hémato-oncologie qui consulte dans l’hôpital de référence ou dans un hôpital de proximité. Nous avons ouvert un hôpital de jour d’oncologie, dans un des hôpitaux périphériques et ce sont les médecins de l’équipe de référence qui font tourner cet l’hôpital de jour, les patients sont  pris en charge à côté de chez eux par la même équipe.
  • Nous avons créé des indicateurs pour savoir où on allait en termes de filières : le délai d’accès à la première consultation a été diminué dans tout le territoire, l’offre a été augmentée en proximité, on diminue la tension sur l’hôpital de référence, on améliore l’accès à la première consultation et on diminue le temps d’attente pour TOUT le monde.
 
Mais ceci n’est qu’un début et nous devons poursuivre nos efforts de structuration d’autres filières. Nous sommes confrontés à de graves problèmes de démographie médicale qui devraient, entre autres, justifier des réorganisations qui sont difficiles à faire accepter politiquement et médicalement.

Au cœur des CRP

Un rapporteur raconte…

 
La rédaction a souhaité donné la parole à un membre  d’une CRP afin qu’il puisse faire part de son expérience. Il témoigne de façon anonyme après avoir eu à gérer un dossier difficile et complexe.  
 
« J’ai été missionné comme rapporteur auprès de la sous-commission de gestion des conflits par la direction de l’ARS après sollicitation par la direction d’un établissement dépassé par les conséquences d’un conflit entre deux praticiens. 
Pour nous « préparer », mon co-rapporteur, un directeur fraîchement retraité et moi même avons eu accès aux noms des praticiens concernés ainsi qu’à un synopsis réduit des circonstances des contentieux. Autant dire peu d’informations...
Nous avons décidé de nous concerter avant le début de la mission afin d’établir une stratégie d’enquête : qui rencontrer dans l’établissement en plus des protagonistes, dans quel ordre… quelles questions poser ?
Il faut savoir qu’aucun des membres de la CRP ne voulait prendre part à l’enquête. Ainsi, pendant six ou sept mois, l’affaire est restée en suspens. Le prétexte ? Des actions en justice engagées par les protagonistes, dont certaines en cours.
La direction de l’hôpital dans lequel je travaille avait évidemment été prévenue par l’ARS et n’a montré aucun signe d’opposition à cette mission. Néanmoins, il a fallu que mes collègues s’organisent différemment. Leur planning s’en est trouvé modifié, voire chamboulé et il a été difficile pour certains de libérer du temps pour pouvoir me remplacer
Après plus d’une heure de route nous sommes donc arrivés sur les lieux du conflit, un lundi à 10h30 et nous en sommes repartis le mardi vers 17h30. Sur place, nous avons pu mener l’enquête à notre façon puisque personne ne nous a prêté assistance méthodologique, ni l’ARS, ni le CNG tout juste informé de la situation. Pour résoudre ce conflit bien ancré qui s’enflammait depuis un an déjà, nous étions donc en possession d’une feuille de mission et de plusieurs copies de documents et courriers qu’on avait bien voulu nous transmettre. 
La tension ambiante nous a permis de réaliser, dès les premièers heures, que la plupart des acteurs n’avaient pas vraiment compris l’objet de notre visite. Aucun d’entre eux  ne voyait d’intérêt à  une démarche de conciliation, de médiation. Cette situation difficile, la radicalité des positions, y compris des personnels paramédicaux, n’étaient malheureusement pas mentionnées et à ce point perceptibles dans le peu de documents que nous avions eu en mains. 
Chaque représentant de CRP peut lire les textes règlementaires, encore faut il avoir le temps de se renseigner sur tous les types de conflits. Je pense que pour faciliter la médiation, il faudrait que le cadre initial soit bien défini. C’est un véritable travail d’enquête qui demande précision et minutie, en tout cas si on veut être un rapporteur sincère. 
Parfois les acteurs du conflit se contredisent réciproquement, d’autres n’ont même pas constitué de dossier alors que certains ont élaboré des dossiers bien trop fournis. C’est ce qui s’est passé dans le cas précis du plaignant qui avait une montagne de documents à nous présenter et nous n’avons pu les lire que dans les grandes diagonales, faute de temps. 
L’intitulé pour cette mission était l’édition d’un rapports. Les infos très nombreuses, certaines surprenantes, sont tombées pêle-mêle et de ce fait notre travail a été encore plus délicat. 
Je crois qu’un ordre de mission ne suffit pas, il faut que les médiateurs puissent identifier le nœud du conflit en amont pour être efficaces, sans perdre de temps.  Une expérience quelle qu’elle soit est toujours bonne à prendre mais je reste insatisfait à la fin de cette mission puisque notre intervention n’a pu aider ni l’hôpital, ni les intéressés. Selon moi, ce genre de situations s’embrase très facilement et vite lorsqu’il s’agit d’une petite structure au sein de laquelle tout le monde se croise et se côtoie. La réactivité est capitale et nous sommes manifestement arrivés bien trop tard… dans le cadre d’une mission mal identifiée, une conciliation qu’à ce stade de conflit multipartite plus personne, à par la direction, ne souhaitait. La lenteur de réaction des différentes structures institutionnelles concernées a aussi dangereusement impacté l’activité de l’établissement. »
 
Propos recueillis par Saveria Sargentini

Réforme du 3ème cycle

 

Le pour et le contre

 
En novembre 2016, est paru le décret réformant le 3ème cycle des études médicales. Certaines spécialités semblent satisfaites, d’autres non. Nous avons interrogé le Président de SAMU et Urgences de France (Frrançois Braun) et Michel Salom, Président du Syndicat National de Gérontologie Clinique.
 
AH : Pourriez-vous nous expliquer en quoi cette réforme est délétère pour la spécialité de gériatrie ?
 
Michel Salom : Avant la réforme du troisième cycle il y avait un diplôme d’études spéciales complémentaires de type 2 et un diplôme de capacité. Le premier était celui qui était visé par les universitaires, par l’élite de la profession soit assez peu de personnes. La plupart des futurs gériatres visaient la capacité de gériatrie qui pouvait être obtenue en deux ans. Demain avec ce DES la capacité n’existera plus. Etant donné que la gériatrie n’est pas une spécialité qui est choisie en début de carrière (plutôt en deuxième partie de carrière) cela pose de sérieux problèmes. 
Le dimensionnement du nombre de places pour la gériatrie est de 250 par an, ce qui ne permet même pas d’alimenter les services de l’hôpital. 
La spécialité semble vouée à disparaître, cette réforme tarie le réservoir naturel des futurs gériatres formé par la capacité de gériatrie.  
 
AH : Quelles actions prévoyez-vous de mettre en place ?
 
MS : J’ai essayé de lancer une réunion regroupant l’ensemble des parties prenantes à la validation des acquis de l’expérience professionnelle au conseil national de l’ordre ; le conseil était tout à fait d’accord pour réunir tout le monde sauf que les professeurs de la gériatrie ont refusé de venir. Ils considèrent que ce n’est pas leur problème, ou alors si ça l’est c’est en catimini entre eux. Malgré tout, le syndicat va faire du lobbying partout, auprès du Conseil de l’Ordre, dans les ministères, auprès des sociétés savantes des autres spécialités, nous allons écrire des articles contre les gens qui bloquent le système. On va se battre ! 
Habituellement les syndicats et les professionnels sont plutôt d’accord mais là il faut déjà qu’on arrive à faire bouger les représentants savants de la spécialité, ce qui n’est pas banal. La réforme du 3ème cycle ne changera pas, nous voulons simplement discuter de diplômes de bases créés pour l’usage des personnes qui ne choisiront pas cette spécialité en première partie de carrière. La gériatrie devient une spécialité majeure notamment en raison du vieillissement de la population, la plupart des gens en sont conscients sauf peut-être les professionnels de la spécialité. 
 
AH : Quels sont les atouts de la réforme du 3ème cycle ?
 
François Braun : Cette réforme présente de nombreux atouts. Tout d’abord, la création du DES médecine d’urgence qui devient un DES comme les autres soit une spécialité qui pourra être choisie dès les résultats en fin de  formation. C’est quelque chose que nous  souhaitions depuis près de 20 ans afin de pouvoir, entre autres,  s’aligner sur nos voisins  européens et internationaux. Aux Etats-Unis  par exemple, la médecine d’urgence est reconnue comme une spécialité depuis les années 70. Cela s’inscrit dans le cadre global de suppression des DESC, 12 ou 13 nouvelles spécialités on été ajoutées et nous finirons par avoir des cursus qui ressemblent à ce se qui se fait au niveau international. 
Le dernier point qui me semble essentiel : la construction du 3ème cycle avec ses trois phases : phase socle, phase d’apprentissage et la phase de mise en responsabilité qui sont maintenant bien définies et qui permettront la progression des connaissances, des compétences et des responsabilités.  
 
AH : Existe t-il des points négatifs et si oui quels sont-ils ?
 
FB : Il y a la présentation de la réforme en elle même qui est très séduisante et puis vient la mise en application. 
Certaines choses devront évidemment être précisées mais globalement ce qui va être mis en place sera très intéressant. Notamment, le suivi et l’accompagnement des futurs spécialistes grâce à un portfolio électronique qui suivra les étudiants tout au long de leur formation. Nous allons avoir accès à des outils intéressants. La réforme permettra de faire évoluer les choses et de se doter d’outils modernes. 
 
Propos recueillis par Saveria Sargentini

Le SNJAR

Le DESARMIR inquiète les jeunes Anesthésistes-réanimateurs : création du SNJAR

Le 4 janvier 2017, les jeunes médecins anesthésistes-réanimateurs (internes et jeunes thésés) annoncaient la création du SNJAR.
C’est l’arrêté de décembre 2016 qui a motivé la création du SNJAR. Dans la foulée, tous les jeunes ont voulu se mobiliser car cette décision du nombre d’internes à former en anesthésie-réanimation et en médecine intensive et réanimation a été prise sans aucune concertation à la fois sur le plan régional et national, alors que ces deux spécialités sont intimement liées. 
 
Les chiffres proposés leur semblent déconnectés des capacités de formation actuelles, et le SNJAR  craint également que  les données disponibles actuellement et la répartition du flux soient déconnectées des besoins démographiques à prévoir et prévisible en réanimation. 
De fait, la filière anesthésie-réanimation risque d’être mise à mal par cette répartition, perdant ainsi la double qualification. Pour Franck Verdonk, président du SNJAR, « elle aura « perdu » cette interaction très noble qui fait la force de notre métier. Cela entachera également la qualité des soins. Un anesthésiste ne pourra sûrement plus faire de réanimation, et un réanimateur ne pourra plus faire d’anesthésie. Les jeunes sont particulièrement sensibles à cette question puisque cela va déterminer leur exercice futur ainsi que la qualité des soins qu’ils vont prodiguer aux patients.» 
 
D’après les propos receuillis auprès de Franck Verdonk par Saveria Sargentini
Leur site internet : http://www.snjar.fr/

Santé et justice

C’est dans un esprit d’ouverture que nous avons souhaité accueillir l’Union Syndicale des Magistrats (USM) dans nos colonnes et sur notre site. Il nous est apparu nécessaire et utile que nos organisations syndicales se rapprochent et partagent ce qui nous rassemble pour la défense de ces deux services publics essentiels à notre pays.  Vous pourrez constater combien, bon nombre de préoccupations et 
Pascale Loue-Willaume, chargée de mission, aborde la souffrance au travail dans un contexte général. Puis elle se focailise sur la justice, « Pour nous magistrats, on peut même parler de double paradoxe. Comment concilier notre serment, l’engagement professionnel que nous devons avoir d’impartialité, de loyauté avec des objectifs chiffrés qui ne tiennent généralement aucun compte des moyens et au détriment souvent de la qualité de la motivation de nos décisions »… 
« Et que dire des situations que nous rencontrons dans nos unions régionales : des collègues épuisés, qui ne parviennent plus à prendre leurs congés, qui renoncent à leurs formations obligatoires en raison d’un emploi du temps professionnel qui ne leur laisse aucune marge de manoeuvre quand on ne leur demande pas d’assurer eux-mêmes leur remplacement.»… « Comment admettre que nous soyons témoins, voire parfois même victimes, de ce que nous sommes statutairement en charge de poursuivre ou de sanctionner ? »
 
Ça vous rappelle quelque chose ?
 

Avec le soutien du Groupe Pasteur Mutualité

 

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Campagne nationale
" Dis Doc', t'as ton doc' ? "  pour faire évoluer le modèle culturel des médecins !

 

Retrouvez toute l'information dans le communiqué de presse (cliquez ici)

www.cfar.org/didoc/ 

 

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Actu'APH n°16

       

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     Les annonces de recrutement octobre 2023

 

             retrouver ces annonces sur le site reseauprosante.fr

 

Les dernières actus

75 % DES MEDECINS HOSPITALIERS RISQUENT DE QUITTER L’HOPITAL PUBLIC DANS LES 5 ANS… … PARCE QUE PERSONNE NE PREND SOIN DES MEDECINS HOSPITALIERS.

MISSION-FLASH : UN NOUVEAU RATAGE GOUVERNEMENTAL (PREVISIBLE) !

Ce vendredi 1er juillet, Action Praticiens Hôpital dévoilait à la presse les résultats complets de l’enquête « Nuits Blanches » sur la permanence médicale des soins à l’hôpital public : 75 % des praticiens hospitaliers risquent de quitter l’hôpital public dans les 5 ans à cause de la permanence des soins. En parallèle, le rapport de la mission-flash sur les urgences était remis à la Première Ministre. Un rapport sans doute amoindri à la demande de la Première Ministre, puisque seules 41 des multiples propositions [CP1] [WA2] envisagées par la mission ont pu figurer dans le rapport.

le dossier de presse

Lettre aux élus De La République

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Paris, le 22 juin 2022

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président, Madame la rapporteure de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,


Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, organisation majoritaire aux dernières élections professionnelles pour le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux vous remercie pour l’écoute attentive lors de notre audition au Sénat du 9 décembre 2021. Nous vous remercions pour le rapport que vous avez publié le 29 mars 2022 et nous nous permettons de vous rappeler notre proposition de réfléchir ensemble sur les modalités législatives à mettre en œuvre pour faire évoluer la situation de l’Hôpital Public et de l’accès à un juste soin qui se dégradent sur l’ensemble du territoire national.

Nous représentons les médecins, pharmaciens, odontologistes des hôpitaux et faisons partie des corps intermédiaires élus. Nous sommes issus du terrain et des terroirs de notre Nation. Nous appartenons à l’Hôpital Public pour lequel nous œuvrons jour et nuit pour permettre un accès aux soins à tous nos concitoyens, vos électrices et vos électeurs, pour qu’en France vivre en bonne santé soit et reste une réalité.

Dans cette lettre nous vous résumons une partie de notre analyse sur les points de blocage et les leviers que la Loi devra changer pour que demain le pilier Santé retrouve sa juste place dans notre société. Pour que l’ensemble des praticiens et soignants des établissements de santé, du médico-social comme de la ville puissent retrouver la sérénité d’exercice dont ils ont besoin pour répondre aux attentes des patients et de leur famille.

Nous avons subi depuis des décennies le dogme de la rationalisation fiduciaire et notre système est à bout de souffle, au bord d’une rupture irrémédiable. La France qui dans les années 2000 était à la pointe de la médecine dans le monde se retrouve aujourd’hui au 23ème rang.

Notre rôle de corps intermédiaire a été trop souvent ignoré et parfois maltraité par une gangue administrative qui a parfois perdu le sens des valeurs de notre société. Nous connaissons bien les territoires et ce que nous avons à faire pour le bien commun. Nous vous l’avons démontré depuis longtemps et encore plus lors de la première vague Covid. Nous avons alerté également maintes fois pour que les choses évoluent…

Il semble temps aujourd’hui de changer de méthode et de retrouver des objectifs quantitatifs acceptables mais surtout qualitatifs en termes de juste soin pour les patients et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour nous vos soignants. Ces conditions sont indispensables pour que nos concitoyens puissent retrouver une espérance de vie en bonne santé superposable à celle des autres pays et que les acteurs du soin que nous sommes puissent également retrouver le sens de leurs métiers.

Nous ne sommes pas abstentionnistes ou spectateurs passifs mais des acteurs engagés pour construire le renouveau tant attendu par les Françaises et les Français et clairement exprimé ces dernières semaines. Nous sommes et serons là pour vous aider à reconstruire et à moderniser l’existant pour que le vivre ensemble en bonne santé ne soit plus un mirage mais redevienne une réalité pour toutes et tous en tout point du territoire.

APH est à votre disposition pour travailler dans cette direction dans un respect mutuel et autour des valeurs de notre République.

Prenez soin de vous, des vôtres et de la santé de vos administrés comme celle de l’Hôpital Public et de notre système de soin.

 

APH REAGIT A LA « NOTE AU GOUVERNEMENT » DE MARTIN HIRSCH

 

Tribune APH du 9 mai 2022

 

Martin Hirsch, directeur général de l’APHP, s’est autorisé à envoyer une « note au gouvernement » [1] qui ressemble à un acte de candidature au poste de ministre chargé de la Santé. Dans cette note, adressée en copie à la presse, il étale ses réflexions et ses propositions pour l’hôpital public… Nous nous limiterons ici à commenter ses propositions, exposées comme une profession de foi.

Faire le constat du naufrage de l’hôpital public, annoncé par les syndicats depuis longtemps, fait désormais l’unanimité. Les discours des politiques et des administratifs assurant que l’hôpital tient toujours debout, qu’il a tenu pendant la pandémie, que la résilience des hospitaliers est inaltérable ne sont que façade. La réalité de notre quotidien est tout autre : la souffrance des hospitaliers explose, déprogrammations et fermetures de services résultent du manque de professionnels paramédicaux et médicaux, qui fuient en nombre le service public hospitalier. Nombre de celles et ceux qui restent encore sur le front sont rongés par un épuisement professionnel et personnel.

Cependant, les angles de vue proposés par Martin Hirsch sont inquiétants, en profond décalage avec les métiers du soin et la notion de service public.

  • Considérer que le soin se résume à une productivité mesurable est d’une cruelle indécence pour tous ceux dont on salue la vocation, l’humanisme et tout simplement le professionnalisme. Dans quelque secteur du soin que ce soit, le geste technique – qui rapporte à l’hôpital – n’est rien sans la relation du soignant avec le patient, sans le travail d’équipe, sans la réflexion sur son propre travail. C’est pourtant bien cette perte de sens qui fait fuir ou qui épuise les professionnels de santé.
  • Considérer que le professionnel de santé est un pion qui joue individuellement et que l’on peut balader d’un service à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une région à l’autre est encore une fois oublier le sens du soin à l’hôpital. Une équipe se construit, a une histoire, un projet, elle se renouvelle, mais doit savoir garder ceux qui s’investissent pour elle et doit donner la possibilité à chacun de s’investir, pour se sentir partie prenante de l’œuvre commune de soigner, d’accompagner et du vivre ensemble.
  • Considérer l’hôpital sans la ville oublie que le système de santé doit être centré autour du patient, et de son médecin traitant, et non du CHU parisien. Le champ du médico-social semblerait aussi avoir été omis… Le passage à l’hôpital d’un patient ne devrait se faire que lorsque les moyens de la ville et du premier recours sont dépassés : compétences spécialisées, plateaux techniques et maternités.
  • Défier les corps intermédiaires élus et donc légitimes, c’est-à-dire les syndicats – ce terme n’est même pas mentionné dans sa note – comme ne défendant pas les intérêts des praticiens est particulièrement déplacé. L’exemple de la discussion lors du Ségur sur la permanence des soins… à laquelle il n’a pas participé, contrairement à nous ! – en dit long sur sa vision du dialogue social…

Ainsi, ses propositions sont-elles également en décalage avec les métiers du soin hospitalier.

  • L’attractivité (jamais nommée dans la « note ») ne peut se résumer au problème des rémunérations. Il est si facile d’occulter les réelles difficultés : permanence des soins, temps de travail, reconnaissance de la pénibilité, équilibre vie professionnelle et personnelle, adaptation des contraintes à la parentalité… Le Ségur a été insuffisant, quand il n’a pas été insultant pour les praticiens hospitaliers. Le chantier de l’attractivité est à ouvrir réellement, courageusement : c’est une des priorités à mettre en œuvre immédiatement.
  • La mobilité versus la carrière à vie ? Destructrice de l’équipe et de tout projet professionnel, la perpétuelle mobilité contribuerait à envoyer les praticiens vers des carrières « à vie » dans les établissements qui le proposent : les établissements privés. Si nous sommes d’accord sur le fait que la concentration des prérogatives « clinique, enseignement, recherche et management » sur les seuls hospitalo-universitaires n’a pas de sens, il n’y a en revanche aucune honte à être praticien hospitalier toute sa vie, ou pendant un temps long, dans un même établissement. Il n’y a aucune honte à y travailler sans aspiration hospitalo-universitaire. Le travail hospitalier des praticiens implique la constitution de projets à long terme, d’investissements financiers, mais aussi de création de réseaux avec la ville, le médico-social et de suivi des patients porteurs de pathologies chroniques complexes. Monsieur Hirsch sait-il seulement ce qu’est le travail d’un praticien hospitalier, d’un soignant ?
  • La casse du statut ? Oui, les professionnels de santé gagneraient à être reconnus ou assimilés à des fonctionnaires « régaliens », plutôt que de poursuivre leur engagement dans l’hôpital public tout en voyant des collègues faire de l’intérim pour des rémunérations qui vont jusqu’à dix fois la leur, pour produire de l’acte sans contribuer aux piliers essentiels de l’hôpital que sont l’équipe, les liens entre services et la vie institutionnelle. Tous ces nouveaux contrats dont rêve Monsieur Hirsch ne font pas avancer l’hôpital : ils continuent à le détruire davantage. Les professionnels de santé engagés dans l’hôpital public demandent seulement à être rémunérés en fonction du travail qu’ils réalisent, où pénibilité et responsabilité doivent être prises en compte.
  • La gouvernance souffre en tout premier lieu de démocratie, notamment dans la désignation des chefs de service et de pôle. Aucun projet de réforme de gouvernance ne peut voir le jour sans ce prérequis. L’évocation des instances médicales et paramédicales des instances de gouvernance n’appelle pas la comparaison suggérée par Martin Hirsch : ni leur composition ni leurs missions ne sont comparables, ce d’autant qu’aucune représentation syndicale médicale locale n’est actée dans les établissements publics de santé. Cette absence d’implication des syndicats de praticiens hospitaliers à l’échelon du territoire de santé est une anomalie qui interroge…

Action Praticien Hôpital ne cesse d’appeler à réformer le système de santé et continuera à porter les principes de la qualité de vie des praticiens hospitaliers ; c’est l’intérêt de l’hôpital public : ceux qui y travaillent, ceux qui y sont soignés. Pour nous, le statut de praticiens est un gage de sûreté pour ce corps mais également d’équité sur l’ensemble du territoire national. Contrairement aux propos de Monsieur Hirsch, le cadre qu’il définit comme « rigide » de l’hôpital public ne l’empêche pas d’évoluer. Au contraire, il sécurise une réforme nécessaire, tout en gardant les prérogatives du service public comme les valeurs de la République pour défendre notre système solidaire de santé.

Nous défendrons des actions pour promouvoir un renouveau du système hospitalier et de celui de la santé en conservant les fondamentaux comme ceux des statuts, des engagements par conviction au service des patients et dans un esprit d’équipe et avec une rémunération revalorisée mais sans lien avec de l’intéressement et de la spéculation.

Cette réforme sera coûteuse mais elle est nécessaire, et elle sera efficace.

Ayons le courage de définir la place de l’hôpital public dans le système de santé : il n’est en concurrence ni avec la médecine de ville, ni avec l’activité des cliniques lucratives dont les missions et les objectifs sont différents.

Ayons le courage de mettre sur la table le problème du temps de travail des praticiens hospitaliers, chantier éludé du Ségur, et mettons en regard les rémunérations avec le volume horaire de travail réalisé par les praticiens.

Ayons le courage de corriger l’erreur du Ségur qui a valorisé l’engagement des jeunes sans considérer celui de ceux qui tiennent l’hôpital public depuis des dizaines d’années : donnons à tous la bonification d’ancienneté de 4 ans.

Ayons le courage de mettre sur la table le chantier de la permanence des soins : pas timidement et de manière insultante comme au Ségur, mais par une revalorisation massive à hauteur de la permanence des soins effectuée par les libéraux (le rapport de l’IGAS sur le sujet n’est toujours pas public…), et par une prise en compte des effets collatéraux du travail de nuit : pénibilité, déséquilibre vie professionnelle – vie personnelle, morbidité induite et réduction de l’espérance de vie.

Ayons le courage d’officialiser les mesures d’attractivité plutôt que de laisser perdurer les petits arrangements opaques, à la limite de la légalité, dont le principe et de nombreux exemples sont pourtant connus des tutelles.

Ayons le courage de réformer la gouvernance en imposant une réelle démocratie sanitaire, dans la désignation des chefs de service et de pôle autour d’un projet médico-soignant. Donnons la possibilité de faire exister les syndicats médicaux dans les établissements au même titre que les syndicats paramédicaux. Les syndicats et leurs représentants ont un rôle à joueur pour faire vivre le dialogue social dans les établissements de soins mais également sur les territoires de santé.

Ayons le courage d’un dialogue social équilibré. Les erreurs de trajectoire pour l’hôpital public, et notamment les plus récentes, sont le fruit de négociations tripartites où directeurs et DGOS ont une connivence à peine voilée, tandis que la parole – et même le vote – des praticiens concernant les évolutions est quasiment ignorée. Écouter le terrain sans le suivre nous a conduit dans le mur. Appliquer les propositions des représentants légitimes que sont les syndicats est la seule planche de salut pour l’hôpital public : Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, et ses composantes, représentant l’ensemble des spécialités médicales, odontologiques et pharmaceutiques, majoritaires chez les praticiens hospitaliers et les contractuels aux dernières élections professionnelles, sera présent et force de propositions.

Jean-François Cibien- Président AH, Président APH, 06 07 19 79 83

Carole Poupon - Présidente CPH, Vice-présidente APH ; 06 76 36 56 67

Yves Rébufat - Président exécutif AH , 06 86 87 62 76

[1] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/hopital-le-temps-de-la-refondation-1404467

 

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