A la Une

Lumière sur le phénomène Big Data

 

Tout le monde en parle, le phénomène grossit mais le concept, son application et sa finalité demeurent toujours un petit peu flous. Avenir Hospitalier tenait à s’entretenir avec Antoine Malone, directeur de projet à la FHF afin d’en savoir plus sur ce qui révolutionnera le quotidien des soignants, leur façon de travailler... ou pas ? 

Avenir Hospitalier : Qu’est-ce que le Big Data en pratique? Pourriez-vous nous donner des exemples concrets déjà opérationnels dans le domaine de la santé ?
 
Antoine Malone : En pratique, le terme Big Data désigne la combinaison d’une très grande masse de données recueillies de différentes façons. On espère qu’à partir de cette masse de données et, via des algorithmes, on puisse tirer des corrélations qui permettent de mettre en lumière des phénomènes, et surtout leurs causes, afin que l’on puisse les prévoir, et par exemple,  déboucher sur des recommandations dans le domaine de la santé. Cela permettrait également des avancées en termes de diagnostics et de pilotage de systèmes de soins. Le Big Data repose fondamentalement sur une intuition statistique, c’est à dire qu’il faut un certain nombre de données afin de pouvoir prévoir certains phénomènes, comme les épidémies. Plus on a de données et plus on estime qu’on aura des corrélations robustes, des informations qui s’approchent de la réalité. C’est la masse qui fait la puissance du système. En revanche, il est beaucoup plus compliqué de donner des exemples concrets. Il y a beaucoup de buzz autour du terme, on en parle énormément, mais pour le moment il existe très peu de preuves de valeur ajoutée réelle de ces systèmes là. On a entendu récemment qu’on pouvait faire de l’épidémiologie à partir de Google. C’est totalement faux ! 
 
AH : Est-ce au même niveau que la révolution informatique en médecine quotidienne ? et quelle ampleur cela prend-il ?
 
AM : Comme je le disais, il y a beaucoup de buzz autour du Big Data, ce buzz est alimenté par les industriels et les cabinets de conseil. Dans la communauté médicale réelle, c’est plus mitigé. Les meilleurs systèmes au monde investissent énormément dans les technologies de l’information. Par exemple, Kaiser permanente*, en Californie, consacre 25 % de son investissement aux TIC (Technologies de l'Information et de la Communication). Mais la plupart de ces investissements visent à renforcer la communication et le contact, en particulier avec les patients. A priori, cela ne ressemble pas à du Big Data. Les clés de la performance des systèmes de santé sont la coordination et la circulation d’informations. 
Est-ce que tout ça va révolutionner le monde de la santé autant que l’informatique ? Difficile à dire, il y a très peu de preuves pour l’instant même si le potentiel sur papier est là. 
La question centrale est celle de la causalité ; autrement dit, qu’est ce qui fait que des phénomènes se produisent ? L’hypothèse centrale du Big Data, et de l’intelligence artificielle comme on va le voir, c’est que la causalité repose sur des lois naturelles, comme la loi de la gravité. Ces lois sont révélées en mettant en lumière des corrélations. Il existe des lois et elles ne changent pas. Comme la loi de la gravité par exemple. Big data et intelligence artificielle reposent aussi sur ça. Si il est possible de trouver des corrélations robustes, on peut donc tout remplacer par des ordinateurs ? Attention ! Corrélation ne veut pas dire causalité. Par ailleurs, la disponibilité de l’information en elle même ne modifie pas les comportements. Ce n’est parce qu’on a la possibilité de savoir qu’on ne marche pas assez ou qu’on mange trop gras que cela va modifier nos comportements. Tout le monde a une appli santé aujourd’hui sur son smartphone, ça n’empêche pas l’obésité de croître. Le Big data fonctionne plus avec des choses très simples et mécaniques ; il est facile de prévoir qu’une pomme va tomber. En revanche, les êtres humains s’adaptent et évoluent en permanence, dans un contexte social qui lui même s’adapte et évolue en permanence. Les modèles de causalité déterministes ne fonctionnent pas dans ce contexte.  
 
La masse de données du Big Data, aussi fournie soit elle, ne peut remplacer l’intervention humaine 
 
AH : Quelle est la relation entre Big Data et Intelligence artificielle dans le domaine de la Santé ? Pour vous, ces avancées ont donc des limites, lesquelles ?   
 
AM : On associe souvent Big data et intelligence artificielle, même si ce n’est pas forcément la même chose. Les Big data sont la matière première de l’intelligence artificielle. On met toutes ces données dans une machine qui elle développe des réponses, et grâce à l’accumulation on découvre des corrélations entre les phénomènes. D’un côté il y a la capacité à s’appuyer sur les découvertes scientifiques récentes en termes de soins ; il y a une masse de productions scientifiques sur le thème de la santé. 2,5 millions d’articles ont été publiés l’année dernière. Personne n’a la capacité de traiter cela. Les limites humaines sont ce qu’elles sont. L’idée est que grâce au Big Data et à l’intelligence artificelle, nous seront capables de faire émerger de cette masse des recommandations cliniques rigoureuses. Si un diabétique fait des complications dans un bloc opératoire l’evidence based medicine peut apporter certaines réponses sauf que le patient réel correspond rarement au patient modélisé. Sans compter que la qualité de « l’output » dépend fondamentalement de la qualité de ce qu’on a mis dans la machine au début. Il y a un dicton en science qui dit « Garbage in, Garbage out ». Or, on sait par exemple que les dossiers patients électroniques sont souvent mal complétés, que de nombreux articles scientifiques sont soit faux, soit n’apportent rien, qu’il existe des variations de pratiques médicales colossales en fonction des pays et des cultures. Or, tout cela constitue la matière première de l’IA. On parle de Big Data, mais est-ce que ces data sont bonnes ? En résumé, je pense que ni l’une ni l’autre ne remettent en cause la décision de l’équipe soignante. Cela peut servir de guide afin de se poser des questions. Petit à petit l’evidence based medicine est devenue evidence informed medicine. Informer, guider mais pas se substituer aux médecins, ou à l’équipe soignante. Pour des phénomènes simples, on peut modéliser et prévoir, donc le Big Data est utile. L’humain est un animal social qui évolue, qui change sans cesse dans un environnement qui évolue lui aussi. Cette masse de données aussi fournie soit elle, et la façon dont fonctionne l’interlligence artiticelle, ne peuvent remplacer l’intervention humaine. Je suis catégorique. Mais, elle est utile pour se poser les bonnes questions
 
AH : Alors les médecins ne deviendront pas des exécutants d’algorithmes ?
 
AM : La réponse à cette question est fondamentalement affaire de foi. Si l’on croit que la causalité repose sur des lois naturelles, alors à terme, avec suffisamment de données, on pourra tout prévoir et les médecins deviendront des exécutants. Mais que se passe t’il aujourd’hui, dans la réalité ? La place de l’humain ne diminue pas, au contraire : Kaiser recrute énormément de gens pour être au contact de ses assurés, pour avoir une certaine proximité avec eux. L’humain est au centre de leur politique : ils ont d’ailleurs les meilleurs résultats cliniques et financiers aux Etats-Unis. Le Big Data aide à déblayer le terrain, dans une certaine mesure au sein d’ un ensemble de possibles. Le fait d’avoir un moniteur en salle d’opération qui dit « vous devriez peut être faire ça » permet peut-être d’aller plus vite mais n’enlève rien à l’équipe soignante. Donc non, je ne crois pas qu’ils deviendront des exécutants d’algorithmes. Si un moteur réagit toujours de la même façon, ce n’est pas le cas pour un être humain. Ce qui détermine l’état de santé ce n’est pas uniquement la mécanique du corps humain mais plutôt son environnement social et économique.  La tendance mondiale veut que les payeurs en général vont commencer à utiliser leurs données pour établir des profils de coûts par segments de population. Cela va être très impactant. L’organisation et les pratiques en terme de santé en seront forcément modifiées mais ce n’est pas un effet direct de Big Data, plutôt un effet détourné. 
 
AH : Selon vous, les jeunes médecins sont-ils assez préparés à ces changements pour les aborder sereinement ?
 
AM : En général ; les médecins ne sont pas franchement ravis des évolutions en terme de contraintes pour le recueil de données mais on ne doit pas dire aux médecins : « Vous devez vous adapter ! », au contraire il faut faire en sorte de rendre tout cela facilement utilisable pour eux. On voit se développer toute sorte de métiers alternatifs pour soulager les médecins. Ils ne devront plus remplir eux-mêmes les feuilles de soins par exemple. La capacité à analyser des données et à intégrer un raisonnement médico économique va devenir central. Un des effets indirects du Big Data : le travail en équipe autour de l’accompagnement de patients complexes sera très développé. L’accumulation de données, va pousser à identifier les générateurs de coûts et de problèmes de santé et donc pousser à une réorganisation en fonction de cela, donc la proximité entre payeurs soignants et patients va se développer de plus en plus.
 
AH : Donc Big Data = une médecine plus humaine, plus sûre ?
 
AM : Je pense qu’on se dirige beaucoup plus vers de l’accompagnement et des visites personnalisées donc oui, une médecine plus humaine. Remplacer une aide à domicile par un robot ça n’a aucune valeur ajoutée démontrée. Pour les robots chirurgicaux c’est la même chose. Ça peut attirer des médecins dans certains hôpitaux et encore... Mais on n’a pas encore prouvé leur utilité médico-économique. La tendance à la proximité se développe beaucoup. Tous les gros décideurs mondiaux de la santé regardent encore une fois ce que fait Kaiser qui ouvre des centres médicaux partout aux Etats-Unis Plus on connaît ses patients, plus on peut modifier leur comportement et faire des bénéfices. Pour changer les choses, il faut être au contact des gens, les suivre individuellement. Ça va plus loin que le simple recueil de données chiffrées, la connaissance personnelle de chacun apporte beaucoup plus en terme de résultats médicaux et financiers. Le nombre d’employés dans le domaine de la santé va croître selon moi... On a besoin de personnels qui soient au contact des populations, des assurés en permanence, qui passent du temps avec les patients pour agir en profondeur sur les comportements donc sur les pathologies. 
 
Interview réalisée par Saveria Sargentini, journaliste
 
 
Note : Kaiser Permanente est un système intégré de prestation de soins de santé financé par les cotisations prépayées de ses membres. Présent dans neuf États et dans le district de Columbia, le groupe compte quelque 12 millions d’assurés et gère 32 hôpitaux agréés. Il se divise en deux fondations sans but lucratif, l’une responsable des hôpitaux et l’autre du régime de santé (Kaiser Foundation Hospitals et Kaiser Foundation Health Plan). À l’échelle nationale, le groupe emploie environ 14 000 médecins. Les hôpitaux du groupe desservent principalement les membres, mais accueillent aussi d’autres patients dans leurs salles d’urgence, quelle que soit leur capacité de payer 
 

Avec le soutien du Groupe Pasteur Mutualité

 

----------------------------------------------------------------

Campagne nationale
" Dis Doc', t'as ton doc' ? "  pour faire évoluer le modèle culturel des médecins !

 

Retrouvez toute l'information dans le communiqué de presse (cliquez ici)

www.cfar.org/didoc/ 

 

----------------------------------------------------------------

 
 

Actu'APH n°16

       

Pour lire le sommaire et les articles cliquez ici

Pour télécharger la revue, cliquez ici

----------------------------------------------------------------

     Les annonces de recrutement octobre 2023

 

             retrouver ces annonces sur le site reseauprosante.fr

 

Les dernières actus

75 % DES MEDECINS HOSPITALIERS RISQUENT DE QUITTER L’HOPITAL PUBLIC DANS LES 5 ANS… … PARCE QUE PERSONNE NE PREND SOIN DES MEDECINS HOSPITALIERS.

MISSION-FLASH : UN NOUVEAU RATAGE GOUVERNEMENTAL (PREVISIBLE) !

Ce vendredi 1er juillet, Action Praticiens Hôpital dévoilait à la presse les résultats complets de l’enquête « Nuits Blanches » sur la permanence médicale des soins à l’hôpital public : 75 % des praticiens hospitaliers risquent de quitter l’hôpital public dans les 5 ans à cause de la permanence des soins. En parallèle, le rapport de la mission-flash sur les urgences était remis à la Première Ministre. Un rapport sans doute amoindri à la demande de la Première Ministre, puisque seules 41 des multiples propositions [CP1] [WA2] envisagées par la mission ont pu figurer dans le rapport.

le dossier de presse

Lettre aux élus De La République

Cliquez ici pour télécharger le numéro spécial d'Actu'APH

Paris, le 22 juin 2022

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président, Madame la rapporteure de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,


Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, organisation majoritaire aux dernières élections professionnelles pour le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux vous remercie pour l’écoute attentive lors de notre audition au Sénat du 9 décembre 2021. Nous vous remercions pour le rapport que vous avez publié le 29 mars 2022 et nous nous permettons de vous rappeler notre proposition de réfléchir ensemble sur les modalités législatives à mettre en œuvre pour faire évoluer la situation de l’Hôpital Public et de l’accès à un juste soin qui se dégradent sur l’ensemble du territoire national.

Nous représentons les médecins, pharmaciens, odontologistes des hôpitaux et faisons partie des corps intermédiaires élus. Nous sommes issus du terrain et des terroirs de notre Nation. Nous appartenons à l’Hôpital Public pour lequel nous œuvrons jour et nuit pour permettre un accès aux soins à tous nos concitoyens, vos électrices et vos électeurs, pour qu’en France vivre en bonne santé soit et reste une réalité.

Dans cette lettre nous vous résumons une partie de notre analyse sur les points de blocage et les leviers que la Loi devra changer pour que demain le pilier Santé retrouve sa juste place dans notre société. Pour que l’ensemble des praticiens et soignants des établissements de santé, du médico-social comme de la ville puissent retrouver la sérénité d’exercice dont ils ont besoin pour répondre aux attentes des patients et de leur famille.

Nous avons subi depuis des décennies le dogme de la rationalisation fiduciaire et notre système est à bout de souffle, au bord d’une rupture irrémédiable. La France qui dans les années 2000 était à la pointe de la médecine dans le monde se retrouve aujourd’hui au 23ème rang.

Notre rôle de corps intermédiaire a été trop souvent ignoré et parfois maltraité par une gangue administrative qui a parfois perdu le sens des valeurs de notre société. Nous connaissons bien les territoires et ce que nous avons à faire pour le bien commun. Nous vous l’avons démontré depuis longtemps et encore plus lors de la première vague Covid. Nous avons alerté également maintes fois pour que les choses évoluent…

Il semble temps aujourd’hui de changer de méthode et de retrouver des objectifs quantitatifs acceptables mais surtout qualitatifs en termes de juste soin pour les patients et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle pour nous vos soignants. Ces conditions sont indispensables pour que nos concitoyens puissent retrouver une espérance de vie en bonne santé superposable à celle des autres pays et que les acteurs du soin que nous sommes puissent également retrouver le sens de leurs métiers.

Nous ne sommes pas abstentionnistes ou spectateurs passifs mais des acteurs engagés pour construire le renouveau tant attendu par les Françaises et les Français et clairement exprimé ces dernières semaines. Nous sommes et serons là pour vous aider à reconstruire et à moderniser l’existant pour que le vivre ensemble en bonne santé ne soit plus un mirage mais redevienne une réalité pour toutes et tous en tout point du territoire.

APH est à votre disposition pour travailler dans cette direction dans un respect mutuel et autour des valeurs de notre République.

Prenez soin de vous, des vôtres et de la santé de vos administrés comme celle de l’Hôpital Public et de notre système de soin.

 

APH REAGIT A LA « NOTE AU GOUVERNEMENT » DE MARTIN HIRSCH

 

Tribune APH du 9 mai 2022

 

Martin Hirsch, directeur général de l’APHP, s’est autorisé à envoyer une « note au gouvernement » [1] qui ressemble à un acte de candidature au poste de ministre chargé de la Santé. Dans cette note, adressée en copie à la presse, il étale ses réflexions et ses propositions pour l’hôpital public… Nous nous limiterons ici à commenter ses propositions, exposées comme une profession de foi.

Faire le constat du naufrage de l’hôpital public, annoncé par les syndicats depuis longtemps, fait désormais l’unanimité. Les discours des politiques et des administratifs assurant que l’hôpital tient toujours debout, qu’il a tenu pendant la pandémie, que la résilience des hospitaliers est inaltérable ne sont que façade. La réalité de notre quotidien est tout autre : la souffrance des hospitaliers explose, déprogrammations et fermetures de services résultent du manque de professionnels paramédicaux et médicaux, qui fuient en nombre le service public hospitalier. Nombre de celles et ceux qui restent encore sur le front sont rongés par un épuisement professionnel et personnel.

Cependant, les angles de vue proposés par Martin Hirsch sont inquiétants, en profond décalage avec les métiers du soin et la notion de service public.

  • Considérer que le soin se résume à une productivité mesurable est d’une cruelle indécence pour tous ceux dont on salue la vocation, l’humanisme et tout simplement le professionnalisme. Dans quelque secteur du soin que ce soit, le geste technique – qui rapporte à l’hôpital – n’est rien sans la relation du soignant avec le patient, sans le travail d’équipe, sans la réflexion sur son propre travail. C’est pourtant bien cette perte de sens qui fait fuir ou qui épuise les professionnels de santé.
  • Considérer que le professionnel de santé est un pion qui joue individuellement et que l’on peut balader d’un service à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une région à l’autre est encore une fois oublier le sens du soin à l’hôpital. Une équipe se construit, a une histoire, un projet, elle se renouvelle, mais doit savoir garder ceux qui s’investissent pour elle et doit donner la possibilité à chacun de s’investir, pour se sentir partie prenante de l’œuvre commune de soigner, d’accompagner et du vivre ensemble.
  • Considérer l’hôpital sans la ville oublie que le système de santé doit être centré autour du patient, et de son médecin traitant, et non du CHU parisien. Le champ du médico-social semblerait aussi avoir été omis… Le passage à l’hôpital d’un patient ne devrait se faire que lorsque les moyens de la ville et du premier recours sont dépassés : compétences spécialisées, plateaux techniques et maternités.
  • Défier les corps intermédiaires élus et donc légitimes, c’est-à-dire les syndicats – ce terme n’est même pas mentionné dans sa note – comme ne défendant pas les intérêts des praticiens est particulièrement déplacé. L’exemple de la discussion lors du Ségur sur la permanence des soins… à laquelle il n’a pas participé, contrairement à nous ! – en dit long sur sa vision du dialogue social…

Ainsi, ses propositions sont-elles également en décalage avec les métiers du soin hospitalier.

  • L’attractivité (jamais nommée dans la « note ») ne peut se résumer au problème des rémunérations. Il est si facile d’occulter les réelles difficultés : permanence des soins, temps de travail, reconnaissance de la pénibilité, équilibre vie professionnelle et personnelle, adaptation des contraintes à la parentalité… Le Ségur a été insuffisant, quand il n’a pas été insultant pour les praticiens hospitaliers. Le chantier de l’attractivité est à ouvrir réellement, courageusement : c’est une des priorités à mettre en œuvre immédiatement.
  • La mobilité versus la carrière à vie ? Destructrice de l’équipe et de tout projet professionnel, la perpétuelle mobilité contribuerait à envoyer les praticiens vers des carrières « à vie » dans les établissements qui le proposent : les établissements privés. Si nous sommes d’accord sur le fait que la concentration des prérogatives « clinique, enseignement, recherche et management » sur les seuls hospitalo-universitaires n’a pas de sens, il n’y a en revanche aucune honte à être praticien hospitalier toute sa vie, ou pendant un temps long, dans un même établissement. Il n’y a aucune honte à y travailler sans aspiration hospitalo-universitaire. Le travail hospitalier des praticiens implique la constitution de projets à long terme, d’investissements financiers, mais aussi de création de réseaux avec la ville, le médico-social et de suivi des patients porteurs de pathologies chroniques complexes. Monsieur Hirsch sait-il seulement ce qu’est le travail d’un praticien hospitalier, d’un soignant ?
  • La casse du statut ? Oui, les professionnels de santé gagneraient à être reconnus ou assimilés à des fonctionnaires « régaliens », plutôt que de poursuivre leur engagement dans l’hôpital public tout en voyant des collègues faire de l’intérim pour des rémunérations qui vont jusqu’à dix fois la leur, pour produire de l’acte sans contribuer aux piliers essentiels de l’hôpital que sont l’équipe, les liens entre services et la vie institutionnelle. Tous ces nouveaux contrats dont rêve Monsieur Hirsch ne font pas avancer l’hôpital : ils continuent à le détruire davantage. Les professionnels de santé engagés dans l’hôpital public demandent seulement à être rémunérés en fonction du travail qu’ils réalisent, où pénibilité et responsabilité doivent être prises en compte.
  • La gouvernance souffre en tout premier lieu de démocratie, notamment dans la désignation des chefs de service et de pôle. Aucun projet de réforme de gouvernance ne peut voir le jour sans ce prérequis. L’évocation des instances médicales et paramédicales des instances de gouvernance n’appelle pas la comparaison suggérée par Martin Hirsch : ni leur composition ni leurs missions ne sont comparables, ce d’autant qu’aucune représentation syndicale médicale locale n’est actée dans les établissements publics de santé. Cette absence d’implication des syndicats de praticiens hospitaliers à l’échelon du territoire de santé est une anomalie qui interroge…

Action Praticien Hôpital ne cesse d’appeler à réformer le système de santé et continuera à porter les principes de la qualité de vie des praticiens hospitaliers ; c’est l’intérêt de l’hôpital public : ceux qui y travaillent, ceux qui y sont soignés. Pour nous, le statut de praticiens est un gage de sûreté pour ce corps mais également d’équité sur l’ensemble du territoire national. Contrairement aux propos de Monsieur Hirsch, le cadre qu’il définit comme « rigide » de l’hôpital public ne l’empêche pas d’évoluer. Au contraire, il sécurise une réforme nécessaire, tout en gardant les prérogatives du service public comme les valeurs de la République pour défendre notre système solidaire de santé.

Nous défendrons des actions pour promouvoir un renouveau du système hospitalier et de celui de la santé en conservant les fondamentaux comme ceux des statuts, des engagements par conviction au service des patients et dans un esprit d’équipe et avec une rémunération revalorisée mais sans lien avec de l’intéressement et de la spéculation.

Cette réforme sera coûteuse mais elle est nécessaire, et elle sera efficace.

Ayons le courage de définir la place de l’hôpital public dans le système de santé : il n’est en concurrence ni avec la médecine de ville, ni avec l’activité des cliniques lucratives dont les missions et les objectifs sont différents.

Ayons le courage de mettre sur la table le problème du temps de travail des praticiens hospitaliers, chantier éludé du Ségur, et mettons en regard les rémunérations avec le volume horaire de travail réalisé par les praticiens.

Ayons le courage de corriger l’erreur du Ségur qui a valorisé l’engagement des jeunes sans considérer celui de ceux qui tiennent l’hôpital public depuis des dizaines d’années : donnons à tous la bonification d’ancienneté de 4 ans.

Ayons le courage de mettre sur la table le chantier de la permanence des soins : pas timidement et de manière insultante comme au Ségur, mais par une revalorisation massive à hauteur de la permanence des soins effectuée par les libéraux (le rapport de l’IGAS sur le sujet n’est toujours pas public…), et par une prise en compte des effets collatéraux du travail de nuit : pénibilité, déséquilibre vie professionnelle – vie personnelle, morbidité induite et réduction de l’espérance de vie.

Ayons le courage d’officialiser les mesures d’attractivité plutôt que de laisser perdurer les petits arrangements opaques, à la limite de la légalité, dont le principe et de nombreux exemples sont pourtant connus des tutelles.

Ayons le courage de réformer la gouvernance en imposant une réelle démocratie sanitaire, dans la désignation des chefs de service et de pôle autour d’un projet médico-soignant. Donnons la possibilité de faire exister les syndicats médicaux dans les établissements au même titre que les syndicats paramédicaux. Les syndicats et leurs représentants ont un rôle à joueur pour faire vivre le dialogue social dans les établissements de soins mais également sur les territoires de santé.

Ayons le courage d’un dialogue social équilibré. Les erreurs de trajectoire pour l’hôpital public, et notamment les plus récentes, sont le fruit de négociations tripartites où directeurs et DGOS ont une connivence à peine voilée, tandis que la parole – et même le vote – des praticiens concernant les évolutions est quasiment ignorée. Écouter le terrain sans le suivre nous a conduit dans le mur. Appliquer les propositions des représentants légitimes que sont les syndicats est la seule planche de salut pour l’hôpital public : Action Praticiens Hôpital, union d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, et ses composantes, représentant l’ensemble des spécialités médicales, odontologiques et pharmaceutiques, majoritaires chez les praticiens hospitaliers et les contractuels aux dernières élections professionnelles, sera présent et force de propositions.

Jean-François Cibien- Président AH, Président APH, 06 07 19 79 83

Carole Poupon - Présidente CPH, Vice-présidente APH ; 06 76 36 56 67

Yves Rébufat - Président exécutif AH , 06 86 87 62 76

[1] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/hopital-le-temps-de-la-refondation-1404467

 

© Avenir Hospitalier - VA Solutions 2012 - Tous droits réservés