Inter-génération

Catégorie : Détail de la revue ACTU'APH n°2
Publié le vendredi 12 avril 2019 13:43

Enquête vie privée/ vie professionnelle : l’hôpital est un excellent reflet de la société ! 

Les résultats de cette enquête inédite, qui a été imaginée puis mise en place par APH et Jeunes Médecins a été présentée à la presse à la veille de la journée des droits des femmes. Et pour cause, 66% des 3500 PH à avoir répondu sont des femmes ! On comprend très vite en voyant les chiffres, qu’à l’hôpital comme ailleurs, les femmes sont perdantes quand il s’agit d’équilibre vie privée/vie professionnelle. « Il y a 10 ans, ce sujet n’intéressait personne ! Il semblerait que depuis la libération de la parole qui a fait suite à l’affaire Weinstein et au mouvement #Metoo, le sujet de la féminisation soit plus audible, il faut la rendre encore plus audible à l’hôpital » affirme Nicole Smolski, présidente d’honneur d’APH. Alors, qui a participé à cette enquête ? Quelles conclusions faut-il en tirer ? Et surtout quelles actions mener face à ces discriminations, à ces asymétries entre les hommes et les femmes qui n’en finissent plus de perdurer ? 

À l’hôpital et à la maison ?

56 % des femmes travaillent plus de 50 heures par semaine et ont un conjoint qui, lui aussi, travaille beaucoup (44 heures en moyenne), mais 28 % des femmes de médecins hommes exercent à temps partiel, pour 6 % des conjoints hommes. L’asymétrie est donc bien nette. 
Pour 58 % des femmes (62 % des jeunes femmes) et 46 % des hommes se déclarent en épuisement chronique. 
Les médecins rencontrent beaucoup de problèmes pour la garde des enfants en raison de leurs horaires (plus la semaine que le WE). Ils n’ont que rarement accès aux crèches hospitalières. La répartition des tâches domestiques et ménagères est très asymétrique, le niveau élevé d’études et le fort investissement professionnel ne changent pas les mentalités, et ce même pour les jeunes de moins de 45 ans !
 

Discrimination ou autocensure au féminin ?

Alors que les statuts et grilles salariales ne laissent aucune part à une discrimination objective, l’enquête laisse plutôt transparaître une autocensure chez les femmes, qui doivent souvent faire face en même temps à la construction de leur vie familiale et parentale, et de leur vie professionnelle, et renoncent de ce fait à certains aspects de leur carrière. Les chiffres sont révélateurs : 
En effet, si elles avaient moins de contraintes familiales, les femmes aimeraient travailler plus que les hommes, elles se formeraient davantage (49 % vs 33 %) et s’investiraient plus dans des missions transversales. 
36 % des femmes considèrent avoir modifié leur parcours professionnel en raison de leur charge familiale contre 22 % pour les hommes, et d’ailleurs près d’une femme sur 2 se sent coupable d’avoir jugé sa carrière très importante, notamment vis a vis de ses enfants. 
Pour en revenir à la formation, 55 % femmes déclarent avoir renoncé à la formation continue, vs 33 % pour les hommes. Elles déclarent également faire moins de travail personnel à la maison en lien avec leur carrière que les hommes. Ces chiffres sont potentiellement lourds de conséquences, aussi bien pour la qualité du travail que pour l’intégration dans l’équipe et les projets professionnels.
 

Entre discriminations et renoncement personnel ?

Parmi d’autres, ce sont les discriminations ressenties liées au sexe qui sont les plus importantes, avec un gros différentiel entre les hommes et les femmes (18  % vs 43 %, et 47 % chez les jeunes femmes). C’est corroboré par les attentes vis a vis de la parité : alors qu’il n’existe pas d’attente de parité à l’entrée des facultés, il existe une assez forte demande de parité pour les postes supposés à responsabilités ou pouvoir : 47 % des femmes (28 % hommes) seraient favorables à une parité pour les HU et 52 % (vs 30 %) favorables à une parité pour la chefferie de pôle. 
Trois femmes sur 4 pensent qu’elles auraient fait une autre carrière si elles étaient du sexe opposé. Mais est-ce une réelle discrimination ou un renoncement personnel ? L’enquête ne peut trancher.
Une femme sur 3 considère que les grossesses ont pénalisé sa carrière et a ressenti des attitudes discriminatoires liées à sa grossesse (30 %).
 

Harcèlement et humiliations morales : l’omerta hospitalière 

15 % de femmes déclarent avoir déjà été harcelées sexuellement, 18 % déclarent en avoir été témoin. Le profil type du harceleur est un homme médecin en relation de pouvoir (vrai ou imaginé).
Mais au delà de ces chiffres, dont on ne peut comparer la prévalence avec d’autres groupes professionnels, le plus important c’est le consensus dans les deux cas sur l’absence de réaction de l’institution et/ou l’omerta qui règne autour de ces phénomènes.
Seulement 33% des répondants n’en ont jamais vu 
 

Et bien des combats s’ouvrent à nous !

Qu’est ce qui changerait la vie à l’hôpital pour les femmes ? Elles répondent !
Il s’agit d’une enquête historique dans la vie hospitalière. C’est la première fois que la question de l’équilibre vie privée vie professionnelle est posée, alors que c’est un point phare de l’attractivité des carrières médicales hospitalières. 
Cette initiative APH va permettre de libérer la parole, des femmes et des hommes, sur leurs attentes, leurs ressentis, leurs déceptions éventuelles. 
Le constat actuel, à ce stade de l’analyse de l’enquête, est que l’adéquation vie privée vie professionnelle n’est pas bonne, ni pour les hommes et encore moins pour les femmes.
L’hôpital, qui a vu depuis les 30 dernières années se féminiser, n’a pas du tout anticipé les conséquences nécessaires à une bonne intégration et à ce que celles-ci prennent la place qu’elles méritent. L’hôpital n’est pas le seul employeur dans ce cas, naturellement. Mais il est temps que ça change, et c’est là un de nos engagements syndicaux pour la période à venir. 
 

« Accompagner les femmes sans les victimiser » : les précisions de Nicole Smolski, présidente d’honneur d’APH

« Cette enquête est un constat, fait par les femmes et les hommes. Nous n’avons gardé que les femmes. Ce constat est le premier fait à l'hôpital, à savoir que les équilibres vie privée/vie professionnelle se font mal à l'hôpital. C’est le cas pour les hommes ET pour les femmes, mais encore plus pour les femmes. 
Il ne s'agit en aucun cas d'avoir un discours victimaire de la part des femmes : le prototype des hommes médecins n’est pas celui de gros harceleurs sexuels, sauf cas très particuliers. Il était important, pour nous, d’éviter cet écueil, notamment face à la presse très friande de ce genre de raccourci spectacle. Nous vivons ensemble, hommes et femmes, en bonne entente, au sein des équipes. 
Mais l'arrivée des femmes, les trente dernières années dans le champ hospitalier, n'a jamais été anticipée ni accompagnée, et nous-mêmes syndicalistes ne l'avons pas identifiée comme un problème en soi, et donc nous n'avons pas cherché de pistes d'amélioration.
Il s'agit donc d'un problème systémique et pas individuel, et c'est en tant que tel que nous devons l'aborder. Les femmes s'autocensurent, renoncent à beaucoup de choses, à cause de pressions le plus souvent implicites, de culpabilisation aussi bien familiales que vis-à-vis des collègues. Elles renoncent pour beaucoup à leur carrière, à leur formation continue, aux investissements transversaux.
L'hôpital doit donc offrir un accompagnement à cette féminisation de la profession, si on veut que les femmes puissent s'engager. Ca doit être une priorité syndicale.
Il y a des choses simples qui pourraient être mises en place rapidement : ouvrir les crèches aux enfants de médecins, réfléchir à des locaux pour l'allaitement, à ce que les médecins du travail soient plus partie prenante pour aider (postes aménagés, ou visite avant reprise de maternité).
D'autres sont plus compliquées à mettre en place comme : les remplacements courts avec statut spécifique de remplaçant pour les congés maternité, la surveillance des temps consacrés à la FMC, des campagnes contre le harcèlement et les violences.
Mais ce n’est pas parce que c’est plus compliqué que nous devons renoncer, bien au contraire. 
Et toutes ces pistes, qui ne sont pas restrictives, ne sont pas des pistes « genrées », qui risquent de stigmatiser les femmes dans un rôle de « pondeuses qui ont des égards » : toutes nos demandes (sauf congés maternité et allaitement) concernent hommes et femmes, et leur satisfaction va permettre d’améliorer la vie des femmes ET des hommes à l’hôpital. C’est un enjeu sociétal, car les aspirations au travail changent. Le temps du médecin héros rentrant harassé le soir pour embrasser ses enfants déjà couchés est révolu. Femmes et hommes veulent une vie équilibrée, pouvoir s’engager professionnellement sans renoncer à une vie familiale équilibrée : c’est un challenge auquel APH va s’attaquer. 
 

Les femmes médecins et la grossesse 

Ils en ont parlé

Le quotidien du médecin :
https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/evenement/2019/03/07/enquete-sur-la-vie-de-3-500-praticiens-hospitaliers_866589
 
Le Monde : 
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/07/a-l-hopital-les-carrieres-des-femmes-restent-des-parcours-semes-d-obstacles_5432707_3224.html 
 
Le Figaro :
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2019/03/07/97001-20190307FILWWW00107-egalite-a-l-hopital-les-femmes-renoncent-a-se-former.php
 
L’Express :
https://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/hopital-les-femmes-medecins-renoncent-plus-souvent-a-se-former-enquete_2065841.html