Réflexion sur la consultation pré-anesthésique

Catégorie : Détail de la revue ACTU'APH n°1
Publié le samedi 22 décembre 2018 05:33

 

Max Doppia avait livré en 2015 sa réflexion sur la consultation pré-anesthésique (CPA), comme la trame d’un éventuel article. Elle n’a pas pris une ride. Elle est d’autant plus d’actualité qu’un décret paru au JO le 30 octobre dernier modifie celui qualifié de « sécurité anesthésique » de 1994 et autorise la réalisation de la surveillance post interventionnelle en chambre ou espaces adaptés, et non en salle dédiée, sous certaines conditions.

1 - Le Décret sécurité anesthésique prévoit qu’on ne peut pas procéder à un acte d’anesthésie sans que le patient n’ait bénéficié d’une CPA détaillée dans un dossier médical. Jusqu’à preuve du contraire, il s’agit bien d’une consultation médicale et non pas paramédicale.
En conséquence de quoi, et en application du Code de Déontologie, le médecin est seul juge des conditions dans lesquelles il peut délivrer des soins consciencieux (une anesthésie bien pensée) au patient. Consciencieux, ce n’est pas un mot au hasard, c’est donc plutôt à dire « en sa conscience ».
 
2 - Je n’accepte pas qu’une organisation me dicte ma conscience pour quel que motif que ce soit. 
J’ai besoin d’établir la relation entre le patient et moi-même, ou, par mon intermédiaire, la relation entre le patient et l’équipe médicale qui le prendra en charge. 
J’assume pleinement cette organisation. Mais je n’accepte pas d'assumer celle qui verrait substituer un paramédical à un médical.
 
3 - Je suis peut-être vieux jeu ou idéaliste, mais il en va de l’idée que je me fais du métier que j’ai choisi mais aussi du contrat de soin que nous passons avec les patients qui viennent pour notre expertise. 
Cette expertise n’est pas que technique ou de simple débrouillage des ATCD. Elle est aussi plus globalement, celle conférée à tout médecin pour ce qu’il a accompli comme parcours pour établir « ses savoirs » et aller au-delà de sa technique ou de sa spécialité. 
(par exemple, entendre une confidence qui n’a rien à voir avec la chirurgie, prodiguer un conseil médical, orienter vers une consultation spécialisée un enfant « à problèmes », ou une femme battue, un toxicomane, etc. en plus de ce qui justifie la consultation par elle-même.
 
4 - Je n’ai pas la maîtrise du parcours professionnel de l’IADE. Je n’ai pas autorité sur elle ni sur les formations qui me sembleraient adaptées, sur ses plannings, ou même ses affectations ponctuelles, puisque je ne suis pas son employeur. 
De plus en plus, les cadres « nous enlèvent » des IADE prévues au bloc pour motif d’arrêts maladie à remplacer ailleurs etc. On n’a rien à dire et c’est imposé comme un management qui ne nous revient pas. Donc, nous n’avons pas de poids là-dessus. 
En conséquence, en tant que Docteur en médecine et non pas salarié ou rouage d’un service, je fixe les conditions qui doivent prévaloir à mon exercice médical au bloc en bout de parcours à savoir une consultation médicale => une anesthésie, sinon, rien ! 
Et là, c’est mon choix et personne ne peut me le refuser. J’ai sué 12 ans pour arriver à ce degré d’autonomie reconnu par des diplômes, je me suis engagé dans l’hôpital public pour y exercer mon métier et mes fonctions, et ce ne sont pas quelques spécimens managers qui pensent « affaires courantes » qui vont me le faire oublier...
Donc, pour moi, le débat est clos. Rien ne peut m’imposer de dériver de ma pratique. Le manque de moyens médicaux ? Où est la responsabilité ? Pas chez moi. 
 
5 - En revanche, et là, c’est autre chose, je ne suis pas opposé à ce qu’une IDE reporte sur le dossier d’anesthésie informatisé en tapant à la machine, des éléments pour lesquels ma plus-value n’est pas majeure : le poids la taille, la PA, SpO2, les opérations antérieures, le signalement de transfusions, de traitements… MAIS, je vois tous les patients munis de ce pré-dossier, et je valide les informations inscrites en les explicitant autant que nécessaire. Et je procède à l’examen clinique et aux prescriptions préopératoires, car c’est ma fonction de médecin et d’anesthésiste réanimateur et qui justifie mon titre ( ce n’est pas rien !) et mon salaire ou mes honoraires ( ce qui n’est pas rien non plus… car il faut bien nous dire que nos confrères nous attendent au tournant pour dire que nous facilitons la détérioration de l’image du médecin et la valeur de ses actes...
 
Je suis donc en l’état du droit, totalement libre de refuser un schéma de pratiques de responsabilités qui ne me convient pas, article 51 ou pas. Sans compter que la CPA est aussi une « respiration » et un espace de créativité pour nous changer les idées hors du bloc opératoire avec pour le coup « notre bureau » à nous !
 
Max-André Doppia (2015)