L'ADN d'APH

Catégorie : Détail de la revue ACTU'APH n°1
Publié le vendredi 21 décembre 2018 19:00

 

APH est née du rapprochement d’Avenir Hospitalier et de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux pour porter au plus haut niveau les revendications de leurs syndicats constitutifs respectifs. Les deux instersyndicales ont des histoires différentes et sont constituées de syndicats encore plus divers. Pourtant, au-delà des revendications liées aux spécialités représentées par chacun d’eux, se dessine une vision commune, une foi affirmée dans les valeurs de soin en général, du Service Public de Santé en particulier. 

Le service Public de Santé ne doit être assuré que par des professionnels formés, dont la bonne santé physique et mentale est un enjeu inaliénable. Ces professionnels doivent être reconnus, aussi bien par des conditions de rémunération décentes que par une place incontournable dans la gouvernance des hôpitaux où ils exercent leur art, font progresser la science,  et dispensent leurs soins.
Cette aspiration commune à pouvoir exercer au meilleur profit des patients est l’ADN d’APH. Nous décrirons ici ce qui nous rapproche et nous unit.
 

L’autonomie

Les praticiens hospitaliers appartiennent à la profession au niveau d’instruction le plus élevé, ceci étant valable dans le monde entier. Ils ont une idée très claire de ce qui est nécessaire à l’exercice de leur métier, souvent individuellement, et à tout le moins collectivement. Les patients qui viennent à l’hôpital y cherchent des médecins. Même les comptables les plus éloignés du terrain évaluent l’activité d’un hôpital avant tout selon le volume des actes produits par ses praticiens. 
Personne ne conteste que certains aspects techniques doivent être délégués à des administratifs. Mais le directeur de l’administration devenu, au fil des années et des lois, directeur d’hôpital – sans connaître le plus petit début de ce qui s’y passe – ne pourra jamais construire l’avenir de la prise en charge médicale d’une population. Il ne peut que dire combien ça coûte.
Les Praticiens Hospitaliers doivent donc retrouver une place prépondérante, et pour commencer, au moins équitable, au sein des instances décisionnaires pour leur activité : soigner une population. Les médecins présents dans les instances ne devraient pas être nommés par le directeur, mais élus par leurs pairs, qu’ils soient chefs de service ou de pôle, membre de la CME ou de la CM de GHT. Toutes les modifications structurelles devraient être validées par les médecins qui en seront impactés.
 

« APH : la cohérence d’une démarche, l’inclusion de la diversité des syndicats 

constitutifs dans un mouvement commun à vocation majoritaire »

 

Les conditions de travail

Tout d’abord, outre des moyens techniques suffisants, ce qui tombe sous le sens, les médecins devraient être sécurisés sur leur temps de travail. Tous les PH ne sont pas attachés à la mesure précise de leur temps de travail, mais tous devraient avoir le choix. 
Notre métier échappe à la fois au code du travail, qui régit le secteur privé, et au code de la fonction Publique, aboutissant au paradoxe d’être protégé uniquement par la directive européenne interdisant de dépasser 48 heures par semaine. Nombreux sont ceux qui dépassent cette borne : ils ne devraient pas y être obligés et ne devraient avoir aucune difficulté à être indemnisés pour cette dévotion au service public qui se fait souvent au détriment de leur santé. La tarification à l’activité a poussé les directions à exiger une inflation infinie du nombre d’actes avec des moyens diminuant sans cesse… puisque les autres établissements de santé en font autant ! Le sens du travail, le sentiment de participer à un effort collectif, la notion de « beau travail » ont disparu dans la hiérarchie des priorités, au profit du rendement du nombre d’actes, sans aucun retour quant à l’intérêt pour la population.
L’autre composante d’une ambiance de travail attractive, est l’équipe. Médicale, bien sûr, mais aussi médico-soignante. Lorsque l’ensemble des professions sont rationnées, pour arriver au point de rupture où plus personne n’a une minute de trop pour échanger sur le sens de ce qu’on accomplit, puis au-delà du point de rupture, lorsque le burn out devient dramatiquement banal, la tension, le stress, l’épuisement, le vécu anxio-dépressif et le risque suicidaire deviennent eux aussi banals. Comment des soignants privés de santé peuvent en donner aux patients ?
 

« L’aspiration commune à pouvoir exercer au meilleur profit des 

patients est l’ADN d’APH »

La rémunération

Les médecins sont – de moins en moins – souvent considérés comme des nantis. C’est peut-être vrai de certains médecins libéraux, au prix d’horaires extensifs, c’est désormais largement faux concernant les PH. À la création du statut en 1984, après une dizaine d’années d’études post-baccalauréat, un PH en début de carrière touchait 4,2 SMIC (en travaillant 50 heures au lieu de 39, soit dit en passant…). En 2018, il touche désormais 2,8 SMIC (pour 48 heures versus 35), soit une diminution relative d’un tiers ! Et si on s’intéresse au salaire horaire, on n’est plus qu’à 2 SMIC ! Qui peut oser soutenir qu’en commençant à être réellement payé à 30 ans avec un tel niveau d’expertise et de responsabilités, être payé le double du SMIC horaire fait encore de nous des privilégiés ? Les PH ont beaucoup enduré, les prochaines générations ne l’accepteront sans doute plus. Les chiffres sont têtus : le nombre de postes de PH non-pourvus augmente chaque année et frôle les 30 %, les praticiens se dirigeant de plus en plus vers l’intérim, bien plus lucratif, et requérant beaucoup moins d’engagement. Ce défaut d’engagement est ce qui peut entraîner l’écroulement du système ; il coûte beaucoup plus cher à la collectivité que l’économie réalisée par le blocage mesquin des salaires depuis maintenant 8 ans sans qu’on en voit la fin.
Pour retrouver une réelle attractivité, le salaire du début de carrière doit être de 5000€ net mensuel en incluant une prime d’exclusivité de service public représentant réellement 20 % du salaire puisque compensant 20 % d’exercice libéral pour ceux qui y renoncent, c’est à dire que l’IESPE devrait débuter à 1000 € nets mensuels en plus d’un salaire de base de 4000 €. La progression doit ensuite être plus linéaire, au lieu des 6 à 8 premiers échelons désespérants. APH propose 10 échelons de 3 ans ajoutant chacun 500 € mensuels. Les valences administratives, d’enseignement, de recherche ou cliniques devront faire l’objet de contrats dont l’indemnisation viendra en sus du salaire rémunérant. Enfin, la garde doit être valorisée au niveau actuel des universitaires, mais être pourvoyeuses de cotisations patronales comme pour les hospitaliers actuellement : tout travail doit produire des droits à retraites, particulièrement le travail pénible comme l’est le travail en garde.
 

« À la création du statut en 1984, un PH en début de carrière 

touchait 4,2 SMIC (en travaillant 50 heures au lieu de 39). En 2018, il touche désormais 2,8 SMIC (en travaillant 48 heures versus 35), soit une diminution relative 

d’un tiers ! »

En conclusion

Les causes de la désertification de l’Hôpital et de la fuite vers l’intérim sont connues, et les remèdes simples et équitables compte tenu des charges qui pèsent sur les épaules des Praticiens Hospitaliers. APH portera ces revendications valables pour toutes les spécialités, toute la force de ses syndicats constitutifs, dont elle appelle le plus grand nombre à grandir pour rendre ces évolutions  inévitables. Elle portera ce programme pour les élections professionnelles de 2019.
 
 
Renaud Péquignot, Président d’Avenir Hospitalier