Hélène Beringuier (Présidente de l’ANMTEPH) tire la sonnette d’alarme !

Catégorie : détail de la revue AH10
Publié le jeudi 28 juin 2018 06:07
Mail d’Helène Beringuier au Conseil d’administration d’Avenir Hospitalier du 11 avril 2018.
 
« On demande de plus en plus aux médecins du travail (MDT) mais, on réduit leur nombre et on limite leurs moyens. À l'hôpital, nous sommes de moins en moins nombreux. Les directions font tout pour ne pas installer la pluridisciplinarité dans nos services pour garder les préventeurs sous leur autorité. La majorité des MDT sont en CDI et les postes de PH ne sont créés qu'au compte goutte. Nous sommes conscients de la situation des personnels médicaux et des risques pour leur santé, nous sommes à leur écoute lorsqu'ils nous sollicitent. Mais mettre en place un suivi régulier alors que nous ne sommes même plus capables de l'assurer pour le personnel non médical me parait un souhait légitime mais impossible à réaliser. Dans mon établissement je rencontre les nouveaux médecins à leur arrivée : cela permet de faire le point sur leur santé et leurs vaccinations (pas toujours OK malgré leurs passé d'étudiant et d'interne), j'essaye de les sensibiliser à la nécessité d'être attentif à leur santé au travail, j'insiste sur le fait que je serai disponible s'ils ont besoin un jour de conseil ou d'aménagement de poste ou simplement de parler. Ensuite, j'essaye de faire passer des messages de prévention souvent par mail. Les AT, les AES, les enquêtes BK sont l'occasion de reparler de la prévention. La présentation de mon rapport annuel à la CME est aussi l'occasion de faire passer des messages, mais je ne peux pas faire mieux. Je suis seule MDT pour 3200 personnels (la réglementation prévoit 1 pour 1500). Mon association, l'ANMTEPH, a une écoute polie mais lointaine de la DGOS. J'ai écrit dernièrement à C. Courège, en qualité de présidente de l'ANMTEPH, pour aborder des points précis de réglementation qui sont problématiques pour le fonctionnement des médecins du travail hospitaliers. Aucune réponse ! Et pourtant, je siège à la CHSCT du conseil supérieur de la FPH qu'elle préside. Max Doppia devait organiser une rencontre avec la Ministre pour aborder tout cela. Quand je pense que le Président de la République dit que la prévention est une priorité ! En attendant tout le personnel hospitalier souffre. Et les suicides ne sont que la partie émergée de l'iceberg. 
Comment stopper cette hécatombe ? » 
 

La réaction de l’intersyndicale Action Praticiens Hôpital 

Ce mail d’Hélène Beringuier est un véritable appel de détresse des Médecins Du Travail (MDT). 

À eux comme à d’autres on demande de faire plus avec moins. 
Aux abords du réacteur en fusion que représente l’hôpital public, ils en perçoivent les radiations dévastatrices, sans pouvoir, ou si peu, agir pour en protéger le personnel.
Placés entre l’écorce des directions et l’arbre des acteurs de soins, leur capacité de mobilisation est minime. Ils sont même dans l’impossibilité matérielle du simple suivi médical des collègues.
Cet appel doit interpeller tous les médecins de l’hôpital public, et au-delà, tous les soignants.
À l’heure où le métier même de MDT est menacé, où son rôle et ses moyens sont drastiquement réduits, où ses effectifs sont squelettiques, il est indispensable que jouent à plein les solidarités des professionnels de santé pour défendre ces collègues. Max Doppia avait bien vu l’importance d’inviter l’an dernier l’ANMTEPH à être partenaire d’AH. 
Faut-il sans réagir laisser appliquer ces forfaitures : disjoindre le rôle des MDT des objectifs affichés par les pouvoirs publics d’amélioration de la qualité de vie au travail ? Oublier le recours qu’ils représentent pour un médecin, un soignant, isolé dans sa souffrance au sein d’un service où il est cerné par l’incompréhension, voire l’agressivité ? Ne pas reconnaître leur place dans la prévention, tant vantée (à juste titre) par nos édiles ? Nier sa capacité d’orientation vers un collègue soignant ? Les déposséder de leur pouvoir de dénonciation les dysfonctionnements organisationnels, les conflits stériles et ravageurs, les harcèlements sournois ? Nous ne voulons pas croire que les pouvoirs publics craignent que les MDT pourraient devenir des lanceurs d’alerte de la souffrance des soignants à l’hôpital en accédant au statut de PH. Ce statut qui les protègerait des abus de pouvoir et des risques d’exclusion. Rappelons-nous que notre collègue Irène Frachon, PH pneumologue du CHU de Brest, a débusqué et rendu public le scandale du Médiator malgré les obstacles et les intimidations, sans qu’on puisse la priver de son métier de médecin. La condition statutaire de PH, bien qu’imparfaite, garantie une autonomie professionnelle minimale et une liberté de parole si tant est que nous osions l’utiliser.
 
Il serait trop facile et odieux de prendre justement pour prétexte les incapacités conjoncturelles du MDT dues aux manques de moyens humains.
 
Par le biais de l’accession généralisée au statut de PH au même titre que les autres disciplines et spécialités, l’intégration dans la communauté médicale hospitalière permettra aux MDT de retrouver une dignité professionnelle à la hauteur de leur formation et de leurs missions. Elle instituera des échanges constructifs au sein de l’hôpital avec les acteurs engagés pour une meilleure qualité du travail. Elle articulera plus aisément l’action des MDT avec celles déjà mises en place, comme les systèmes d’écoute et de traitement de la souffrance au travail , la généralisation progressive du suivi de chaque médecin par un médecin traitant grâce à la campagne « Dis doc t’as ton doc » soutenue par le Ministère de la santé, l’intervention dans les différentes instances, les CME, le CHSCT, le CT. 
Ne décevons pas l’enthousiasme qu’ont manifesté les MDT à nous rejoindre ! Faisons nôtre leur cause !
 
Richard Torrielli et Jacques Trévidic