Hommage à Max-André Doppia

Catégorie : Détail de la revue AH9
Publié le jeudi 15 février 2018 19:51
 
Le 13 novembre 2017, nous avons brutalement perdu un ami, un collègue et un président d’intersyndicale qui nous était très cher. Lui qui construisait tout sur le long terme a été terrassé par un accident soudain. Lui qui avait consacré une énergie et un temps colossaux pour lutter contre la souffrance au travail, contre le fait terrible que des collègues y meurent tous les ans, a perdu la vie en pleine promotion de sa création, l’Observatoire de la Souffrance au Travail. Quelle ironie grinçante du sort que cette sortie prématurée ! Quelle terrible illustration de la nécessité de cette démarche !
 
L’OSAT est un aboutissement fondamental de l’engagement de Max-André Doppia : ce n’est pas qu’un observatoire performant pour évaluer l’intensité, la cause, et les risques des situations de souffrance au travail, c’est également un outil réactif permettant d’aider efficacement des collègues qui ont un besoin vital de ce que le syndicalisme produit de meilleur pour la défense énergique et permanente des collègues Praticiens Hospitaliers.
 
Praticien Hospitalier : Max-André avait embrassé ce statut peu après sa création en 1984. C’était la fin des contrats d’exception érigés en règle, et la consécration pour ceux qui voulaient dédier leur énergie et leurs compétences au service du public.
 
Parisien d’origine, Normand d’adoption, et heureux de l’être, Max-André avait retrouvé la capitale du fait de son action syndicale, commencée tôt dans sa carrière, tant la défense de ses collègues et de ce magnifique statut de PH lui tenait à cœur. 
 
Mais son amour de la justice avait même dépassé les frontières de notre pays lors de la guerre en ex-Yougoslavie : avec moins d’ostentation que certains dont l’action n’aurait pu s’envisager sans caméra, Max-André avait obtenu des résultats tangibles grâce à des actions de sensibilisation sur la misère des hôpitaux et des malades de Bosnie. Ces actions volontaristes – incluant l’achat d’un panneau publicitaire ! - avaient permis de récolter du matériel qui était réellement parvenu aux professionnels de santé. On aurait pu voir dans cette action un coup politique, ou de manière plus neutre une autre facette de Max-André, mais ce n’est pas ainsi qu’il la décrivait : il y avait quelque chose d’humaniste au sens large dans cet engagement, et le primum movens était fait de la même solidarité entre soignants, entre médecins hospitaliers au service des malades, que celle qui l’avait amené au syndicalisme.
 
La liste est longue des ses engagements institutionnels et sociétaires, au service de l’Anesthésie-Réanimation, des Praticiens Hospitaliers en général, ou de l’Hôpital dans son ensemble. 
L’aventure que nous avons vécue ensemble, c’est celle d’Avenir Hospitalier : une aventure syndicale mais aussi – et grâce à ça – une transmission philosophique sur ce que nous pouvons faire tant que nous sommes ici-bas. Max-André se consacrait à un grand nombre de sujets, au sein desquels apparaissait souvent quelque chose « d’important » qui méritait un coup de collier, une veille ou un bout de weekend pour faire le travail. C’est d’ailleurs le mot qu’il avait employé au téléphone quand je lui faisais remarquer avec un brin d’inquiétude que sa tournée pour la promotion de l’OSAT lui imposait des déplacements à un rythme rapide, enchaînés avec son activité clinique : « Oui Renaud, mais ça c’est important »… Un penseur célèbre fondateur de notre ère a dit il y a 2000 ans qu’il n’y a rien de plus grand que de donner sa vie pour son prochain, je suis confiant dans le fait que Max-André a été exemplaire sur ce chemin.
 
Sa remarquable faculté à accepter chacun avec sa part d’humanité faisait qu’il était difficilement imaginable d’être son ennemi, malgré les luttes qui font la vie syndicale. Même les adversaires habituels au sein des réunions ministérielles ont dû ressentir une affliction non-feinte à l’annonce de son décès : on ne pouvait avoir autre chose que du respect face à Max-André qui ne nourrissait aucun ressentiment vis-à-vis de personne. Ce n’était pas de l’oubli, c’était de la tolérance. Son ouverture d’esprit et l’écoute attentive de ses interlocuteurs lui permettaient d’intégrer leurs idées, même hostiles, pour promouvoir les siennes. Le bien-fondé de cette façon de réfléchir m’est apparu assez clairement pour que j’en fasse un parti-pris lors de mes discussions animées.
Max-André et moi échangions naturellement de nombreux mails, qu’on commençait souvent par « mon PV/ mon SGP » : Président vénéré/Secrétaire Général préféré : au-delà de la résonance volontairement ronflante, l’asymétrie d’adjectif, traduisait une relation quasi filiale. D’emblée, Max-André avait pris la présidence d’AH dans l’idée très claire d’en transmettre les rennes deux ans plus tard. Il était l’un des rares qui – vu sa taille ! – pouvait m’appeler « mon petit Renaud ». Ce ton paternaliste n’était pas là pour rappeler qui présidait mais plutôt « bientôt ça sera à toi d’y aller ».
 
Il pensait qu’il vaut mieux « obtenir ce qu’on veut qu’avoir raison ». Son but n’était pas de faire valoir son expertise ou son ouvrage, mais bien que ce qu’il construisait se réalise. Ses capacités et son expertise étaient au service de ses objectifs et non à celui de sa promotion personnelle. 
 
Comment rendre hommage à Max-André sans parler de bons plats ? Il était gourmet et gourmand, appréciant joyeusement la bonne nourriture, pas forcément la plus diététique… Une réunion de travail était toujours plus productive avec ou avant/après un repas de qualité, qu’il préférait prendre assis en bonne compagnie plutôt que debout dans la foule d’un cocktail. Autant de moments auxquels je repenserai avec émotion !
Max-André Doppia nous laisse une belle œuvre au service des collègues, des patients et de l’Humanité, souffrante ou pas. Chacun trace sa route, mais la sienne éclairera et inspirera la mienne, à cette présidence d’Avenir Hospitalier à laquelle il m’imaginait bien, élu après son départ à la retraite si méritée. Mais je sais qu’elle aurait été au service de ce qui était important !
 
Renaud Péquignot, Président d’Avenir Hospitalier