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Catégorie : Détail de la revue AH7
Publié le lundi 27 mars 2017 21:41

Bilan d’un quinquennat et ce que AH attend du prochain gouvernement

2017, année cruciale pour les hôpitaux publics et la santé

 
Contrairement aux autres périodes électorales des présidentielles, on dirait que la santé, la protection sociale, le service public hospitalier sont des enjeux majeurs de cette présidentielle : nous ne pouvons que nous en féliciter, car vu de l’intérieur, nous avons plutôt l’impression que l’hôpital s’enfonce d’année en année dans une crise inéluctable.
 
 
Les empilements de réformes avec leur couronnement par HPST et la T2A par Roselyne Bachelot, avec la consécration d’un management bureaucratique et autoritaire plus consacré à la rentabilisation de chaque hôpital qu’au « bien soigner » ou au bien-être des soignants ; l’absence d’effacement des conséquences de cette réforme par Marisol Touraine, malgré ses engagements de début de mandat, font que l’hôpital fait de plus en plus la une des journaux pour des drames. Désormais, les français savent que l’hôpital auquel ils sont très attachés s’est dégradé, assailli de bureaucratie, d’injonctions contradictoires (soigner tous les patients H24 365J/an / être rentable), et que de plus en plus de soignants ne supportent plus la perte de leurs valeurs professionnelles. 
 
À ce jour, la situation politique est complexe, et les programmes des candidats trop flous ou pas assez figés pour que nous vous en fassions état. En revanche, nous nous engageons pour vous à les décortiquer, à éliminer ce qui nous semble démagogique, ou de fausses promesses, à porter ce qui nous semble à même de redonner confiance dans cet outil magnifique, sans esprit partisan. 
Pour nous, l’hôpital public doit se sortir d’une crise financière, qui est inéluctable si on continue à lui demander d’être rentable. Fixer un ONDAM trop contraint revient à geler les investissements, à supprimer toutes les activités non rentables même si elles sont utiles, à réduire les effectifs et à favoriser les emplois précaires, au détriment des patients et des soignants. Ne considérer que les activités soumises à la T2A, c’est refuser de voir que les maladies chroniques ne font qu’augmenter, c’est mettre des échelles de valeur au sein des hôpitaux et entre hôpitaux qui n’ont rien à voir avec le soin.
 
Mais un hôpital opérant, c’est un hôpital où les soignants se sentent bien, où ils ont une place valorisée, se sentent soutenus dans leurs projets et pas un espace bureaucratisé et hyper-hiérarchisé où toute initiative est mal vécue !
 
Nous avons porté ces valeurs sans cesse depuis 5 ans, avons eu l’impression d’être écoutés et entendus, mais pourtant rien n’a changé, ça a empiré : nous continuerons à les porter pour cette période politique intense.
 
Nicole Smolski, Présidente d'APH
 

Les avancées seront-elles confirmées après les élections présidentielles ?

 
L’hôpital redevenu « public » ! Cette qualification a été restituée aux « Établissements de soins », en même temps que les missions de service public qui, rappelons-nous, avaient été vendues à la découpe par la loi HPST. 
Les portes du ministère à nouveau ouvertes pour les Praticiens Hospitaliers, après 5 années de glaciation de 2007 à 2012. Des conseillers et une DGOS redevenus accessibles ont permis la reprise d’un dialogue social « normal » à ce niveau. Mais nous verrons que le niveau régional, territorial et local sont bien loin de nous satisfaire.
L’espace de concertation ainsi retrouvé nous a fortement impliqués. Nous citerons : 
- la Mission Couty (Pacte de Confiance),
- la Mission Le Menn (Attractivité), 
- la ré-écriture du texte sur les CME avec une petite avancée sur le processus de recrutement, mais sans remettre en cause la composition de la CME dont la moitié des membres sont désignés par le directeur. 
- la refonte du DPC et le rétablissement de l’accès à la FMC et au financement pour le PH ont été le résultat d’une concertation intense. Nous voulions sanctuariser un financement annuel pour chaque PH.
- la déclinaison hospitalière de la Loi de Modernisation de notre système de santé 
- les Groupements Hospitaliers de Territoire 
- et, depuis la fin de l’année 2015, les textes pour décliner les mesures du Plan d’attractivité des carrières médicales ont effectivement nécessité un très fort investissement des représentants d’Avenir Hospitalier en synergie avec la CPH au sein d’Action Praticiens Hôpital.
 
Max-André Doppia, Président d'AH
 

Droits et moyens syndicaux

 
Il est grand temps que chacun comprenne que les actions et les engagements de celles et ceux qui choisissent le syndicalisme pour apporter leur contribution au débat démocratique dans notre société sont hautement respectables et doivent être respectés. Le soutien massif apporté début mars à Olivier Lepennetier, président de l'ISNI (Inter Syndicat National des Internes) est naturel (http://www.avenir-hospitalier.fr/index.php/communiques-de-presse/368-respect). Réjouissons-nous en ! Mais encore ? Il reste à espérer que les mêmes formes de soutien se retrouveront lorsqu'il s'agira de porter le débat là où il doit maintenant l'être pour que soit défendu le principe même de la représentation syndicale des praticiens à l'hôpital public. (http://www.avenir-hospitalier.fr/index.php/%202-non-categorise/359). 
 
C’est une question de droit constitutionnel 
Il doit s'appliquer aux praticiens de l'hôpital comme à n'importe quel autre salarié sur son lieu de travail. Que cet exercice, qui devrait être naturel, puisqu’il intéresse les conditions et les organisations du travail, reste aujourd'hui bafoué à l'hôpital, est une anomalie et un archaïsme. C'est, sans aucun doute de l'ordre d'un tabou hospitalier qu'il faudra bien lever un jour. Comme celui qui a entretenu l'omertà sur les violences subies et dont on commence seulement à parler.
 
De quels moyens disposons-nous ?  
Les PH ne disposent pas des moyens d’une représentation conforme à celle d’un pays démocratique. Non que leurs élus dans chaque organisation syndicale ne fassent pas tout leur possible, mais parce que les moyens matériels et humains leur ont été refusés au nom d’un particularisme qui ne répond à aucun critère soutenable. Depuis très peu de temps, seul un poste équivalent-temps-plein est alloué par Intersyndicale (IS) et affecté à chacun des cinq présidents (soit un ETP pour 10 000 PH temps pleins). Ce temps étant fractionné entre plusieurs syndicats d’une même intersyndicale, on imagine alors les difficultés rencontrées pour remplir une mission qui relève bien de l’intérêt public dans le paysage hospitalier de notre pays. 
Les CRP ? Elles ne donnent pas lieu à du temps statutaire pour l’exercice d’une délégation régionale dans des régions aujourd’hui fusionnées. 
Au plan territorial ? Nous demandions au minimum que chaque IS puisse désigner un représentant dans l’espace territorial de dialogue social. Il nous semblait légitime que dans un processus qui correspond ni plus ni moins qu’à une restructuration, avec des impacts humains, nous puissions intervenir. Cette demande a reçu un arbitrage défavorable du ministère des Affaires… sociales et de la Santé (3 mars 2017) ! 
Quant au niveau local, là encore, un minimum de respect pour notre expertise, serait que nos collègues disposent d’un réseau syndical soutenu. 
Pourtant, les articles L. 6156-4 et L.6156-5 nouveau du Code de la Santé Publique ont voulu que soit créée une nouvelle instance de dialogue social national : le Conseil Supérieur des Personnels Médicaux, odontologistes et pharmaceutiques des Hôpitaux (CSPMH ) est renvoyé à un décret qui devra mettre en place un processus électoral national pour mesurer la représentativité syndicale. L'allocation de moyens matériels et humains en dépendra.
Il faut espérer que cet enjeu national soit rapidement compris et soutenu de la même manière, très large, y-compris par la génération montante, pour que les textes paraissent avant les échéances électorales à venir. S'y refuser serait assurément accepter de rester encore longtemps dans l'ornière actuelle et méconnaître jusqu'à l'exercice même du droit syndical aux professions médicales à l'hôpital public. En définitive, ce serait aussi laisser croire qu'il sera possible, demain encore, de continuer à nier le droit aux praticiens de prendre leur vie professionnelle en main ou de donner un avis sur les réformes qui vont les concerner, eux et le système de santé dans notre pays.
 
Max-André Doppia, Président d'AH
 

Attractivité de la carrière de praticien hospitalier

 
Après un quinquennat 2007-2012 où les avancées sociales étaient bannies du vocabulaire du gouvernement, nous attendions évidemment plus du quinquennat 2012-2017, présidé par un candidat élu sur un programme de gauche. 
 

A l'heure du bilan, que pouvons-nous retenir ?

Une volonté de la Ministre Marisol Tourraine d'apparaître comme actrice de dialogue : Pacte de Confiance et Mission Couty, attractivité et Mission Le Menn, refonte du financement hospitalier et Mission Véran, Loi de Modernisation du Système de santé et GHT, Protocole d'Accord de Méthode, … On peut dire qu'on a discuté ! 
 
Pas vraiment d'avancées majeures 
 
D’autres avancées qui ne sont pas toujours à la hauteur de nos attentes
Pour les débuts de carrière :
Pour les fins de carrière :
 
Sur la gouvernance :
Avancées statutaires :
Peut-être, in fine ?

Au total 

La déception est à la mesure de l’importance de nos attentes, malgré quelques acquis réels mais ponctuels obtenus de haute lutte.
 
Renaud Pequignaud
 
 
1-  http://www.francetvinfo.fr/economie/votre-argent/fortunes-la-france-pays-de-millionnaires_1555965.html
2 - https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/0211673522438-bourse-le-cac-40-a-distribue-pres-de-56-milliards-aux-actionnaires-en-2016-2055684.php#
 

Hôpitaux verrouillés, hôpitaux à déverrouiller ?

 
La Fédération Hospitalière de France (FHF), organisme qui regroupe les établissements de santé, leurs dirigeants et les Conférences de PCME et de Directeurs, vient de sortir sa plateforme de propositions pour 2017, année électorale.
 
Les positions de la FHF sont toujours à prendre en compte très attentivement, la FHF étant un puissant lobby face aux pouvoirs politiques quels qu’il soient. À la manœuvre pour HPST, pour la territorialisation et les GHT, on voit que leurs propositions sont entendues, reprises, et concrétisées, même si ce n’est pas instantané.
 
Position complexe, car la FHF se veut à la fois défense du service public, et défense des employeurs hospitaliers : deux positions qui parfois mènent à un grand écart idéologique, comme on a pu le voir lors de toutes les discussions sur l’attractivité des carrières médicales hospitalières, où ses représentants ont toujours freiné toute avancée notable, tout en affichant officiellement des besoins de réformes pour ré-enchanter les praticiens hospitaliers.
 
Cette plateforme présidentielle (http/www.fhf.fr/Actualite/A-la-Une/La-plateforme-de-propositions-de-la-FHF-pour-2017-2022) présente 12 orientations politiques à l’intention des candidats, et 50 propositions plus détaillées, destinées au prochain ministre de la Santé, afin de « déverrouiller » le système de santé et « libérer les énergies » des professionnels.
 
Le mandat présidentiel se veut un tissu de très bonnes intentions, appelant à une mutation nécessaire pour que les hôpitaux accordent plus de confiance aux initiatives de terrain, et puissent décider d’une simplification des strates administratives, et valoriser ceux qui font le service public. Excellent postulat, pour nous soignants qui désormais croulons sous les diverses couches managériales et bureaucratiques. 
 
Sauf que la lecture attentive tout le long du texte, mais principalement dans la priorité n°6 (« Donner des marges d’action accrues aux établissements publics pour leur permettre de s’adapter plus vite aux réalités territoriales ») fait vite comprendre que cette description de la bureaucratie et de l’enfermement de toute initiative n’est pas celle que nous vivons auprès des patients dans notre quotidien : la bureaucratie décrite est plutôt celle que déclarent vivre les directions d’hôpitaux, qui s’estiment coincées par les ARS dans ce qu’ils décrivent comme une centralisation étatique.
Nulle part n’est relevée la même exigence pour diminuer la contrainte et la bureaucratie au sein de nos hôpitaux : pourtant, c’est bien une clé de déverrouillage que nous, praticiens des hôpitaux, aimerions voir appliquer ! Si la FHF réclame un allégement des effectifs des ARS, nous pouvons nous aussi prôner un allègement des effectifs administratifs et bureaucratiques de nos établissements, pour consacrer ces budgets aux effectifs de soignants ! Mais il est vrai qu’appliquer des techniques de management libérales aux services publics nécessite un encadrement puissant et très dispendieux : c’est là la contradiction du New Public Management dont nous vivons les affres depuis 10 ou 20 ans, mais sur laquelle la FHF ne propose pas de revenir, sauf pour leurs contraintes à eux ! 
On peut prôner l’agilité dans les missions à mener, mais cette agilité ne semble à décliner qu’entre ARS et directions hospitalières, pas au cœur des missions de soins pour lesquelles on ne nous propose plus jamais la possibilité d’être agiles. 
 
Il est utile d’applaudir aux propositions de réaliser une « convergence des devoirs » entre tous les acteurs de santé financés par des fonds publics (on peut se demander lesquels y échappent dès que l’Assurance Maladie entre en jeu ?) plus qu’une convergence tarifaire qui met dans la même cour ceux qui sélectionnent leurs patients et nous.
 
 

Concept d’autonomie des hôpitaux : méfiance !

Au milieu d’un fatras de mots creux et de bons sentiments très généraux, et de langage hyper-techno, (principe de « responsabilité populationnelle », qualité et santé publique au cœur du projet de santé territorial, nouvel élan à la démocratie en santé), il faut surveiller de très près un concept décliné et susurré tout le long du document : celui d’autonomie des hôpitaux. Ce concept, qui va de concert avec la diminution réclamée du poids étatique des ARS, est la déclinaison aux hôpitaux de ce qui a été mis en place pour les universités en 2007 : sous couvert de plus de liberté, de « libérer les énergies », c’est, au sein de budgets hyper-contraints, donner aux managers universitaires non plus le rôle d’enseignants ou de chercheurs, mais celui de gestionnaires. C’est créer des hôpitaux riches et des hôpitaux pauvres, c’est ouvrir la porte comme dans les universités à de nombreuses dérives, anomalies et contournements des règles, relevés par la Cour des Comptes : une politique de ressources humaines axée sur des primes et des indemnités croissant plus vite que les effectifs, le souci de rétribution des mérites individuels ouvrant la porte à tous les arbitraires et copinages : on vit déjà à l’hôpital dans un management par des castes, mais au moins y-a-t-il des garde-fous : l’autonomie des hôpitaux, c’est la porte ouverte aux hiérarchies entre bons médecins (les obéissants aux dogmes managériaux, ou ceux qui produisent de la T2A), et les autres. 
 

On est bien loin d’une politique sociale de bienveillance au travail !

Cette porte ouverte à toute dérèglementation est confortée par les priorités n°4 et 5 : « respecter et prendre soin des professionnels de santé », « un nouvel élan d’attractivité médicale ». 
A l’heure où les risques psycho-sociaux au sein des hôpitaux émergent avec une telle violence que la Ministre a dû prendre des mesures, la FHF recommande de répartir différemment les compétences à moyens constants et de donner de nouvelles responsabilités aux professionnels de santé (traduire : « transferts de tâches » à tous les étages), de créer des outils de valorisation du mérite et d’intéressement (traduire : primes au rendement), favoriser la promotion par l’encadrement (traduire : la seule promotion c’est devenir manager) : on peut dire que la FHF est passée totalement à côté de ce que doit être une politique sociale de bienveillance au travail : le temps des « Hôpitaux magnétiques » n’est hélas pas arrivé et Monsieur Couty va avoir beaucoup de travail. 
 
 
Ce n’est pas le Projet Médical tel que conçu par la FHF qui va redonner envie aux praticiens de s’engager dans le service public : une fois de plus, c’est les équipes qui doivent le concevoir, et pas des managers même médicaux, même après une révolution du management médical : fondamentalement, nous n’avons pas besoin de managers médicaux. Nous avons besoin de pairs, épanouis dans leur travail quotidien, avec les moyens de travailler au plus près des patients, de pouvoir monter des projets au sein des équipes, sans rencontrer des obstacles incessants et totalement démotivants au vu de leur lourdeur : déverrouillez les organisations managériales au sein des hôpitaux, faites confiance aux acteurs, accompagnez-les, et vous verrez que l’hôpital redeviendra attractif. L’hôpital se meurt de ses petits chefs et de ses grands chefs, mais ça la FHF ne le voit pas.
 
Les propositions de réforme du financement des hôpitaux ne sont pas révolutionnaires, la T2A va rester le maître mot du financement : à la hauteur du peu de réformes du financement engagées par le Ministère malgré ses engagements initiaux ! 

Les clés de déverrouillage

Entendre que l’hôpital est verrouillé est assez infamant, quand on voit les capacités d’adaptation dont il est capable en cas de crise sanitaire ou lors des attentats récents. Bien sûr que l’hôpital doit évoluer, avec son temps et son environnement. Ces clés sont tellement sous-tendues par un processus idéologique et politique de libéralisation, d’autonomie, de levée de toutes les « contraintes » qui empêchent les managers de gouverner comme ils l’entendent, que la lecture de ces clés de déverrouillage conduit à la nausée : en filigrane, on peut lire que la suppression des statuts, des professions, des directives européennes protectrices, des arbitrages par l’Etat, des outils de dialogue social actuels, vont permettre à des hôpitaux autonomes d’augmenter la durée de travail, de modifier les rémunérations, d’organiser les délégations de tâche comme bon semblera localement utile à ces managers et cadres enfin renforcés dans leur autorité. Sauf que si nous voulons ce genre d’organisation du travail, encore pire que celle de maintenant où existent des garde-fous, autant aller dans le privé, où nous gagnerons plus tout en étant mieux considérés par les directions !. 
 
En réalité, tant que le Service Public Hospitalier sera contraint par un ONDAM trop bas, par une nécessité de courir après la rentabilité au prix de choisir ses patients d’user à la tâche ses acteurs ou à les faire partir écoeurés par les incompatibilités entre ce pourquoi ils ont choisi le service public et ce qu’on les oblige à vivre, toutes les clés de déverrouillage ne seront qu’un cautère sur une jambe de bois : ce n’est pas cela qu’une plateforme destinée au futur Président de la République doit contenir. 
 
Nicole Smolski, Présidente d'APH
 

Faut-il encore dégraisser le mammouth ?

 
 
En cette période de surenchère présidentielle, il est très « main stream » de vouloir diminuer la dépense publique et de réduire le nombre de fonctionnaires et « apparentés » comme le sont les PH « mono-appartenants » (les HU relevant eux sans ambiguïté de la fonction publique d’état).
 
Comme Nicole Smolski le souligne dans son article, la FHF propose plusieurs « clés de déverrouillage » permettant « autonomie avancée » et « souplesse de gestion », notamment pour assurer le fonctionnement des futurs GHT. Les nouveaux statuts souhaités par la FHF se traduiraient-ils par des contrats individuels d’embauche permettant une individualisation des salaires en fonction de la « productivité » du salarié ? 
 
Redonner du sens et de la cohésion aux équipes
Pour pouvoir donner plus de liberté aux équipes pour innover et s’organiser dans le cadre du service public (et non pas pour accélérer la transformation de l’hôpital en clinique commerciale), il faudrait redonner du sens et de la cohésion aux équipes médicales et paramédicales qui sont la base de l’hôpital. La qualité des soins suppose des équipes formées, suffisamment nombreuses et stables, soudées autour d’un projet et de valeurs partagés.
 
Un financement du parcours patient cohérent
Le projet médical de l’établissement doit être inséré dans un projet territorial de santé incluant l’ensemble des partenaires participant au parcours du patient pour une prise en charge globale médicale et sociale. D’où la nécessité d’un « financement du parcours du patient » dont la cohérence et l’homogénéité financière sont les condition préalables.
 
Redéfinir la gouvernance
Au sein des hôpitaux, l’innovation et le sentiment d’autonomie passeront nécessairement par une redéfinition de la gouvernance qui doit être à la fois administrative et médicale, avec des mandats électifs clairs et limités.
 
Révision des modes de financement de l’hôpital
La trop grande variabilité des salaires selon les statuts, la course aux remplaçants et/ou le dépassement parfois honteux de certaines activités privées à l’hôpital, doivent cesser. Il en va de l’esprit d’appartenance à une même équipe au service du patient. Cela implique forcément une révision en profondeur des modes de financement de l’hôpital qui ne peut être une course folle à la T2A.
 
C’est l’équipe soignante qui est la mémoire vivante de l’hôpital et non les administratifs
Le plaisir de travailler à l’hôpital, c’est d’abord le contact humain, avec ses patients certes, mais aussi avec les soignants, les étudiants … C’est aussi le plaisir d’appartenir à une institution qui parfois nous a vu « grandir », où l’on y prend de plus en plus de responsabilités au fil des années. Bien souvent les Directeurs ne restent que peu d’années dans un établissement et mutent ailleurs pour faire progresser leur carrière. 
L’équipe soignante est vraiment la « mémoire vivante » de l’hôpital, ô combien précieuse en cas de crise et d’afflux massif de patients.
 
L’hôpital doit être un lieu d’épanouissement scientifique et personnel 
La recherche, l’expérimentation de dispositifs innovants (chirurgie sous robot ; balbutiement historiques de la cœlioscopie) nécessitent du temps et de la patience. Seul l’hôpital peut offrir ce temps de développement technique et personnel. 
Sans parler de recherche de pointe, c’est souvent à l’hôpital que beaucoup ont appris à utiliser les outils informatiques, perfectionné leur anglais, appris à parler dans des congrès. C’est grâce à l’hôpital que certains reprennent des études universitaires, partent faire des séjours à l’étranger sans crainte de licenciement. Pour les plus modestes, l’hôpital propose à de nombreux agents des opportunités de réorientations professionnelles. Des brancardiers peuvent gravir les échelons et devenir infirmiers, parfois spécialisés, voire cadres.
 
 
Toute la vie hospitalière est tissée auprès du patient mais aussi autour des équipes, dans les interstices professionnels allant de la cafetière à l’humour carabin. C’est ce qui fait de ce corps professionnel un collectif particulier, solidaire mais également fragile.
Dans la novlangue des technocrates du new public management, l’agilité et la souplesse qu’ils appellent de leurs vœux riment fort avec dumping et précarisation. L’hôpital de nos rêves est bien loin de ces conceptions là… 
 
Raphaël Briot
 

Programmes présidentiels aux Champs élyséens

 
J’ai fait un drôle de rêve. 
 
 
 
Je me reposais sur un nuage entre deux gardes à l’hôpital. Petit à petit, des quatre coins de l’horizon, des candidats à l’élection présidentielle s’approchaient de moi et chuchotaient à mon oreille. Comme s’ils se résolvaient à renoncer, et me confiaient une charge dont je n’osais leur dire que je me sentais bien incapable de l’assumer. Mais ce n’étaient que mots doux à mon oreille, propos séduisants, et préceptes pour l’hôpital revêtus de la plus grande pertinence et frappés au coin du bon sens. 
 
Il fallait, me disaient-ils, défendre et protéger l’hôpital, redéfinir le rôle des Etablissements de Santé par des projets connectés avec les acteurs de santé grâce à une grande négociation. Il faudra complètement revoir l’organisation de l’hôpital et associer les soignants à sa gouvernance. 
Les PH seraient une priorité pour l’hôpital, et la diversité de leurs missions reconnues. Les rémunérations seraient revalorisées, principalement les premiers échelons, et les conditions de travail améliorées : les cadences seraient ralenties, et les tâches administratives déléguées. 
Grâce en particulier au relèvement du numerus clausus, adapté aux besoins, les baisses d’effectifs ne toucheraient évidemment pas les soignants, mais les fonctions administratives inutiles. 
L’hôpital serait choisi pour le travail en équipe, son plateau technique performant, ses capacités d’innovation. 
Les GHT ne seraient pas le prélude à la privatisation de l’hôpital qui ne serait pas une variable d’adaptation à la gestion de la protection sociale. 
L’équilibre serait trouvé entre libéral et public, afin que l’hôpital ne devienne pas le parent pauvre de nos territoires.
Les hôpitaux de proximité seraient maintenus au maximum, et les effectifs de la fonction publique hospitalière augmentés.
On pourrait permettre aux médecins hospitaliers d’exercer dans des établissements privés et en ville. 
Carte hospitalière et travail au sein des hôpitaux seraient réorganisés, en développant en particulier les maisons de santé qui pourront prendre en charge les « petites urgences » afin de désencombrer les services d’urgence.
La tarification à l’activité serait plafonnée à 50 % pour les hôpitaux, et un financement s’équilibrerait progressivement avec des rémunérations plus pertinentes. 
Un plan d’investissement de 5 milliards aidera à la révolution technologique de l’innovation. La santé sera une priorité politique, inscrite dans une perspective régalienne, et un grand ministère de la Santé, dédié, doté d’un service interministériel performant, sera mis en place.
Il conviendra de déclarer la souffrance au travail grande cause nationale pour mobiliser les moyens financiers et de communication contre ce fléau et subventionner les réseaux professionnels et de santé agissant sur ce thème, ainsi que les artistes mettant en lumière la souffrance au travail, car il faut reconnaître la difficulté du travail à l'hôpital, la charge horaire et la souffrance des soignants. Le burn-out est le symptôme d’épuisement professionnel, ce n’est pas une maladie.
Sera restauré la visite médicale obligatoire à l'embauche auprès d'un médecin et périodiquement en cours de contrat de travail.
Et bien sûr, les soins prescrits seraient remboursés à 100 %, grâce à un système de sécurité sociale unique.
Je me suis réveillée en sueur, le doux rêve tournait au cauchemar : comment allais-je faire pour mettre en œuvre tout ça ? Heureusement, je réalisais vite que ce n’était pas moi qui allais être en charge des destinées du pays. Je partis prendre mon café à la tisanerie…
 
Andromède 
(NDE : les propos sont authentiquement extraits des programmes des candidats)