Dialogue social à l’hôpital public…

Catégorie : Détail de la revue AH6
Publié le lundi 12 décembre 2016 16:56
Le bilan social du Ministère des Affaires sociales et de la santé sera-t-il marqué par un barrage systématique et incompréhensible à l’évolution nécessaire du dialogue social pour les Praticiens Hospitaliers ?
 
Alors que la loi promulguée il y a bientôt un an oblige à clarifier les droits et les moyens nécessaires à leur exercice, les Pouvoirs Publics tardent à publier les textes d’application pour donner leur place aux organisations syndicales de PH pour un dialogue social rénové à l’hôpital public. En outre, refuser un espace aux organisations syndicales de PH au niveau local et dans les Groupements Hospitaliers de Territoire serait une erreur politique étouffant durablement la démocratie hospitalière  (explications sur le site internet Avenir Hospitalier).
 

La culture syndicale est le fruit d’une histoire : la vôtre !

La France est le pays de l’OCDE où le taux de syndicalisation des salariés est le plus bas (8 % pour l’ensemble et 5 % dans le secteur privé). Parallèlement, le dialogue social y est moins développé que dans les pays européens. La faiblesse entretenue des organisations syndicales, leur représentativité contestée peuvent aboutir à des blocages qui font obstacle à la négociation et multiplient les conflits sociaux. Avenir Hospitalier et la CPH partagent leurs vues sur la nécessité de faire évoluer les lignes pour donner les moyens d’un exercice syndical médical hospitalier responsable. Il serait paradoxal que, sous un ministère qui affiche des valeurs de progrès social, ces cinq années se concluent sur une réforme inachevée alors que la loi a déjà inscrit des principes qu’il ne reste plus qu’à décliner.
 
Quel que soit le respect que l’on doit à la représentation de la communauté médicale dans les CME, il ne faut pas cesser de rappeler cette évidence que la défense des intérêts matériels et moraux des PH, localement ou dans les GHT, ne peut pas relever des CME dont ce n’est pas le rôle. Cette expertise est bien celle d’organisations syndicales médicales dont la culture sociale et le sens des responsabilités ne sont plus à démontrer. A ce titre, elles méritent toute leur place dans les instances de dialogue social à l’hôpital public. Ce sera à vous de l’exiger.

La loi prévoit plusieurs niveaux pour le dialogue social

Le pôle, d’abord.

La loi pose en effet le principe du dialogue social interne au sein des pôles. Le chef de pole organise la concertation interne et favorise le dialogue avec l’ensemble des personnels du pôle. Le règlement intérieur de l’établissement fixe les principes d’organisation et de fonctionnement des pôles. Si le pôle n’est pas un espace de négociation locale il n’en est pas moins le lieu d’une expression professionnelle des praticiens qui peut bénéficier de l’expertise syndicale : mise en forme de leurs aspirations à une qualité de vie au travail à hauteur de leurs attentes, application de leurs droits statutaires (FMC, DPC, congés, intendance, …), etc.

La loi n°2016‐41du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé (LMSS) a été publiée au journal officiel du 27 janvier 2016. Elle réforme et complète les dispositions existantes et se décompose en 5 titres et contient 227 articles. A l’issue d’une longue concertation, des textes d’application pour l’hôpital public devraient être publiés et modifier le Code de la Santé Publique (CSP) pour rendre effectives les dispositions prévues par la loi. Mais quand ?

Comprendre les principes généraux des droits syndicaux définis dans la loi.

Ainsi, le CSP dans son Article L6156-1 créé par LOI n°2016-41 du 26 janvier 2016 - art. 194  dispose que  « le droit syndical est garanti aux personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques des établissements publics de santé mentionnés aux chapitres Ier et II du présent titre. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. Ces organisations peuvent ester en justice. Un décret prévoit la mise en œuvre des droits et moyens syndicaux de ces personnels. » Nous l’attendons !

L’article L6156-2 créé par LOI n°2016-41 du 26 janvier 2016 - art. 194 précise quant à lui que « sont appelées à participer aux négociations ouvertes par les autorités compétentes au niveau national les organisations syndicales des médecins, odontologistes et pharmaciens des établissements publics de santé mentionnés aux chapitres Ier et II du présent titre ayant obtenu, aux dernières élections du Conseil supérieur des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques, au moins 10 % des suffrages exprimés au sein de leur collège électoral respectif. Pour les négociations concernant les personnels mentionnés au 1° de l'article L. 6152-1, leurs organisations syndicales doivent, en outre, avoir obtenu au moins un siège dans au moins deux sections du collège des praticiens hospitaliers de la commission statutaire nationale prévue à l'article L. 6156-6. »

L’article L6156-3 créé par LOI n°2016-41 du 26 janvier 2016 - art. 194 stipule enfin que « les règles définies pour la présentation aux élections professionnelles des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques des établissements publics de santé mentionnés aux chapitres Ier et II du présent titre sont celles prévues à l' article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les modalités d'application sont précisées, pour ces personnels, par le décret prévu à l'article L. 6156-7. »  Dont acte ! Mais qu’attend donc le ministère ?

Les articles L. 6156-4 et L.6156-5 nouveau du CSP, crée une nouvelle instance de dialogue social national : le Conseil supérieur des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques des établissements publics de santé dont l’organisation et la composition sont renvoyées à un décret. Il comportera des représentants des organisations syndicales représentatives, des représentants des ministres concernés et des représentants des établissements publics de santé désignés par les organisations les plus représentatives. Son président est nommé par décret du ministre de la santé. Véritable pendant du CSFPH pour les personnels non médicaux, le Conseil Supérieur est saisi pour émettre des avis sur des projets de loi, de décrets, de statuts particuliers, portant sur l’exercice des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques. Il peut également être saisi de toute question relative à son domaine de compétence par les ministres concernés ou sur demande d’un tiers de ses membres à voix délibérative.

On comprend donc ici que la représentativité des organisations syndicales de PH devra être définie par un processus électoral national qui reste à mettre en oeuvre. De la représentativité dépendront les allocations de moyens matériels et humains, comme pour toute organisation syndicale pleinement reconnue dans son droit et les moyens de son exercice.

Deux éléments qui viennent compléter le dispositif.

la Commission Statutaire Nationale

Le premier, bien connu de vous est de niveau national la Commission Statutaire Nationale. Désormais régie par l’article L. 6156-6 nouveau du CSP, elle peut être saisie des situations individuelles des praticiens hospitaliers permanents, temps pleins et temps partiels. Un nouveau décret doit définir les attributions, la composition et le fonctionnement de la CSN. Nous attendons sa parution car le fonctionnement des CSN est indispensable pour régler des situations souvent critiques dans lesquelles notre intervention est toujours déterminante pour exprimer la voix des PH. Nous touchons là à un domaine très sensible qui peut concerner n’importe quel praticien titulaire.

Mais qu’en est-il des praticiens non titulaires ou en voie de titularisation ? De quelle instance dépendent-ils ? Leur précarité statutaire n’en fait-elle pas des acteurs fragilisés dans une architecture hospitalière en mouvement ?

Conférence Territoriale de Dialogue Social (CTDS).

La loi crée les GHT et dispose dans son article qu’une instance de dialogue social y est crée… Mais quelle instance ? Et quel dialogue ?  Il s’agit d’un nouvel élément relatif aux Groupements Hospitaliers de Territoire, définis au nombre de 135 en France depuis le 1er juillet 2016. La loi prévoit en effet que chaque GHT fait vivre le dialogue social dans une Conférence Territoriale de Dialogue Social (CTDS).

Si les personnels non médicaux savent déjà que cette CTDS sera une projection de leurs représentants syndicaux issus des instances qui existent déjà pour elles au niveau local ( élus du CTE et du CHSCT), en revanche, malgré nos demandes réitérées, nous n’avons toujours pas obtenu l’arbitrage que nous attendons du ministère pour donner une place aux représentants des 5 intersyndicales dans chaque GHT. Il ne s’agit pas ici de prétendre à un niveau de négociation territorial, mais bien de la possibilité de rendre visible les praticiens hospitaliers investis dans une démarche de portage syndical au niveau du GHT. Ils pourraient recevoir les informations du GHT et en faire un décryptage syndical, notamment lorsque les organisations ou les choix managériaux de GHT impacteront la vie quotidienne des PH. Au moment où les GHT constituent une forme de restructuration hospitalière, récuser la place d’observateurs syndicaux sur ce nouveau terrain est une erreur. On peut ici regretter l’obstacle permanent que constitue le désaccord avec l’INPH, le SNAM et la CMH qui voient un péril syndical là où il n’est question que de présence et de visibilité. Gageons que la lecture attentive des programmes politiques qui prévoient la suppression de toute intervention syndicale dans les processus de nomination (exit la CSN ?) leur fera changer d’avis… Quant à l’inéluctable transformation des GHT en établissement territorial doté de la personnalité morale, nous savons qu’elle est pour après-demain. Autant de motifs pour renforcer une dynamique syndicale locale et territoriale, à même de constituer un relai de proximité.

Les nouvelles CRP

La remontée des informations vers les représentants désignés dans les nouvelles Commissions Régionales Paritaires serait particulièrement utile. Une instruction en premier recours syndical y est possible, sans perdre de vue que les représentants des organisations syndicales de PH sont parfaitement à même de remplir une fonction sociale de proximité permettant de désamorcer des situations à potentiel conflictuel. Cette disposition devrait permettre de gérer au mieux les intérêts des PH avant de recourir à l’échelon national comme c’est le cas aujourd’hui. Il faut donner plus de compétences aux nouvelles CRP pour remplir un rôle dans un dialogue social à l’échelon régional. On sait l’étendue des nouvelles régions qui justifient pleinement qu’à ce niveau des moyens syndicaux humains soient disponibles. Depuis mai, nous attendons l’arbitrage ministériel pour fixer le nombre de représentants des intersyndicales dans ces grandes régions.

Max-André Doppia
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