Temps continu : et si tout le monde s’y mettait ? - B. Debaene

Catégorie : Détail de la revue AH6
Publié le lundi 12 décembre 2016 14:15
Le point de vue du Pr Betrand Debaene, président de la CME, chef du service d’anesthésie réanimation au CHU de Poitiers.
 
Au CHU de Poitiers les urgences et l’anesthésie réanimation (blocs et réanimation compris) sont organisés en temps continu depuis 13 ans. Bertrand Debaene relate dans son interview son expérience en insistant sur la transparence apportée par le travail en temps continu.
 
Avenir Hospitalier : Quelles est l’organisation au sein de votre établissement ?

Bertrand Debaene : Nous sommes organisés en temps continu aux urgences, en anesthésie-réanimation (blocs et réanimation compris) depuis la réforme Aubry en 2003. Cela fait donc 13 ans que nous en avons l’expérience. 
 
Avenir Hospitalier : Quels sont les points positifs du temps continu ?

Bertrand Debaene : Le temps travaillé se mesure maintenant sur une unité de mesure que tout le monde comprend, ce qui est loin d’être le cas avec les demi-journées. Cela permet d’avoir un calcul précis du temps de travail, de déclencher facilement le temps de travail additionnel au-delà de 48 heures. Les équipes gèrent cela de manière efficiente depuis longtemps et s’arrangent pour contrôler le système et pour éviter au maximum les débordements au-delà de 48 heures. Dans certains services, des praticiens acceptent de travailler au-delà de 48 heures et, dans ce cas, ils signent un contrat d’engagement qui leur donne la certitude d’être rémunérés et de dégager des jour off dans la semaine.
La mise en place des tableaux de service électroniques a grandement  facilité l’adaptation des plages. Concernant les blocs, en fonction de l’effectif mis en place, certains postes sont en 11 heures, d’autres en 9 heures et ce sont les médecins qui inscrivent dans le tableau électronique ce qu’ils vont faire. Lorsque une modification est nécessaire et qu’il faut, par exemple, créer une plage de consultation supplémentaire, après validation par le chef de service, les affaires médicales modifient le tableau de service électronique en créant cette plage supplémentaire.
 
Du fait de cette expérience, je suis aujourd’hui sollicité par plusieurs des me confrères d’autres CHU. Ils sont aujourd’hui confrontés à la concurrence d’hôpitaux généraux qui sont en temps continu, et qui, de ce fait, recrutent plus facilement des praticiens hospitaliers, notamment les jeunes qui ont bien compris l’intérêt du temps continu par rapport aux temps traditionnel.
 
Le temps continu permet une transparence totale de ce qui est fait dans un service et permet un calcul simple du nombre de postes nécessaire.
 
Avenir Hospitalier : Quels sont les points négatifs du temps continu ?
 
Bertrand Debaene : C’est surtout l’administration qui voit des inconvénients au temps continu. Plusieurs directeurs y sont réfractaires car ils craignent la nécessité de création de surplus de postes médicaux à créer. Pourtant, le suivi individuel est extrêmement facilité. Les calculs sur les 48 heures lissés sur 4 mois sont faciles à faire. Il y a une transparence totale.
Lorsqu’il y a d’autres activités que le travail posté, comme c’est le cas en anesthésie-réanimation, il peut alors être nécessaire de forfaitiser ces activités non posées, c’est ce qui a été réalisé chez nous.
 
Avenir Hospitalier : Avez-vous rencontré des difficultés lors de la mise en place du temps continu ?
 
Bertrand Debaene : À l’époque, j’ai travaillé en étroite collaboration avec les affaires médicales et la déléguée du SNPHAR. Nous avons eu des réunions de service, avec un travail préparatoire, heure par heure, pour déterminer les effectifs. Nous avons présenté ce travail à la collectivité des anesthésistes-réanimateurs pour validation, puis aux affaires médicales, qui avaient bien compris l’intérêt du temps continu aussi bien en termes de transparence que de calcul des effectifs. On avait ainsi obtenu de la direction générale la création de trois postes supplémentaires.
 
Avenir Hospitalier : D’après vos propos, on peut se demander pourquoi tous les blocs et services d’anesthésie ne sont pas en temps continu ?
 
Bertrand Debaene : Beaucoup ne se sont pas intéressés aux opportunités offertes par la Loi Aubry. Ce que je peux dire c’est qu’à l’heure actuelle, la concurrence des CHG, organisés pour les plupart en temps continu, fait prendre conscience de la nécessité d’une nouvelle organisation. 
Notre Ministre actuelle, Mme Touraine, quant à elle, ne prend toujours pas en compte le système du temps continu et persiste dans le système de demi-journées.
 
Avenir Hospitalier : Avez-vous le sentiment que le décompte du travail en heures soit un des éléments attractifs pour que les jeunes restent à l’hôpital ?
 
Bertrand Debaene : Oui effectivement, pour eux le temps de travail est reconnu et est rémunéré à sa juste valeur. D’autre part, nos jeunes PH sont rémunérés au 4ème échelon + 10 %.l
 
Propos recueillis par Christiane Mura