Grandeur et servitude de l’autonomie professionnelle

Catégorie : Détail de la revue AH6
Publié le lundi 12 décembre 2016 13:03
Toutes les professions disposent d’un degré variable d’autonomie, enfin, presque toutes… Le degré d’autonomie dépend de la qualification, du type de métier, du contexte de son exercice, de la position hiérarchique, et de celle que chacun s’attribue.
 
« Il n’y pas que des raisons de penser a priori que l’autonomie professionnelle est un bien en soi. Mais les réformes managériales du Nouveau Management Public (NMP) semblent d’ores et déjà être suivies d’effets significatifs sur l’autonomie dans le travail professionnel ».
 
Les limites légitimes, ou du moins explicables, appliquées à l’autonomie professionnelle peuvent être son mauvais usage par manque de rigueur ou intérêt personnel, la recherche de la qualité et de la sécurité des soins, une relation médecins/malades éclairée, la maîtrise des coûts de la santé, la crainte de la judiciarisation.
En revanche, sont pour le moins ressenties comme illégitimes, les limites à l’autonomie comme le souci de productivité, la recherche du profit, l’exigence de rapidité, une bureaucratie omniprésente, l’autoritarisme de la hiérarchie, voire l’abus de gouvernance, et même le conflit d’intérêt.
 
Il existe une spécificité des professions à activité prudentielle comme la médecine. « Ces professions, dont la médecine est emblématique, traitent de problèmes à la fois singuliers et complexes, dans des situations de forte incertitude. C’est cette adaptation à la singularité des cas que l’on appelle la prudence. Les médecins, ne peuvent toujours espérer produire un résultat idéal : par exemple soigner un malade au moindre coût, sans que le traitement ne gêne sa vie quotidienne ni n’engendre d’effets indésirables. La délibération sur les fins de l’action est aussi une composante essentielle de ces activités, les professionnels devant être capables de hiérarchiser les objectifs de leurs actions avec discernement. »
 
On peut trouver des exemples de situation expliquant la variabilité des pratiques : patient refusant LE bon traitement, insuffisance de moyens matériels ou humains à un moment donné, fruits de l’expérience contredisant les RPP (Recommandations de bonne Pratique Professionnelle), contexte social, contexte psychique, poly-pathologies, antécédents, etc.
 
« Dire que la pratique est prudentielle, c’est dire qu’elle ne peut pas être totalement normalisée, puisqu’elle doit toujours s’adapter à la singularité des cas. Elle suppose une écoute, une attention, qui explique que l’exercice du jugement médical ne puisse s’apprendre que sur le tas ». 
 
L’autonomie en médecine n’est pas une valeur en soi, mais doit faire l’objet d’une réflexion approfondie et bilatérale pour en définir les limites légitimes afin de préserver l’espace de liberté indispensable à la pratique médicale dans le service public.
 
Richard Torrielli
Les citations entre guillemets sont de Florent Champy in « L’Hôpital en Réanimation », Editions du Croquant, 2011